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Le Figaro, 24 septembre 1933

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Le Figaro
24 septembre 1933


Extrait du journal

Il faut que bientôt mon troupeau re descende. ; O brebis de mes rêves ! Je •vous ai fait paître durant six mois sur les hauteurs où l'arc-en-ciel drape de son écharpe la cascade échevelée. Front contre front, afin de ménager l'une à l'autre avec amour l'ombre de vousmêmes, vous ave? dormi entre les iris aussi bleus que l'acier du lac. Afin.de vous rassembler en cette ou verture d'automne j'effleure.de la lèvre mon pipeau. Il n'a plus cette saveur si douce que lui donnait la jeune sève quand je le taillai au printemps. Déjà l'été l'avait un peu desséché. Mainte nant il est amer même, il conserve le goût des larmes, qui sont prêtes à se reformer èt tomber à nouveau sur une âme orageuse. Viennent les jours d'hi ver où, sur les ultimes sommets, ces larmes ne seront plus que les flocons d'une neige qui ne fond plus ! Rangez-vous en cercle autour de moi, visions des toutes premières automnes de mes cinq à dix ans, et que je décou vris lorsque la haie couverte de taches de rousseur arbore des colliers de perles de corail. . j .. .r*1* • !* * Ce fut, tout d'abord, dans ce soleil d'un jaune.aussi morne que de la poire ou du laurier fané, « la rentrée », à l'école, du groupe enfantin dont je fai sais partie. On flairait, dans l'âcre par fum de l'encre qui s'élevait du cahier bien réglé, que l'on venait d'emprison ner les Vacances entre quatre murs. Et la preuve, tous ces oiseaux qui ne chan taient, ne criaient plus, ces végétaux sans suc, les uns et les autres aplatis sur des cartons suspendus où ils étaient lamentablement dessinés, peinturlures et catalogués, morts enfin, sous la ru brique « sciences utiles » I Ah ! Pivert ! Qu'étaient devenus ton éclat de rire-et ta livrée ; de. foin doré avec toque de trèfle incarnat ? Puis, ce moutard pleu rait sur sa leçon sans que l'on sût pour quoi.. Et cet autre parce que son voisin lui avait dit : « La cigale t'a tondu ! » Et cétte fillette essayait de parer avec son coude une gifle que lui destinait l'instituteur « parce qu'elle regardait dehors au lieu de regarder dedans ». Certes, les petits ramoneurs qui sur la place apparaissaient à la fin de septem bre avec leurs faces de suie, leurs yeux de charbon, leurs bouches de flamme criant : « Ah ! ramonez la cheminée du haut en bas ! » et leur hérisson de fer et leur marmotte au dos, même entre vus à travers la vitre crasseuse, étaient plus plaisants que ce geôlier grognon et pédant. .Entre, mes dix et quinze ans, l'entrée en automne ne m'apparut plus telle ment mesquine et prompte à s'armer d'une gaule dépouillée pour que l'on m'en donnât sur les doigts et la-.tête, mais elle m'emplit d'une gravité qui me permit, si jeune que je, fusse, de goûter les accents profonds du vent, la plainte des échassiers migrateurs, les clarines des troupeaux transhumants. Déjà mes frêles mains, comme deux ailes impatientes de gagner le ciel, se heurtaient aux cordes de la lyre, avide que j'étais d'une liberté dont je sais aujourd'hui que la plénitude ne s'ac quiert qu'à la rupture de la dernière fibre du cœur. f*1 AU soir d'un premier jour d'automne, à dix-sept ou dix-huit ans, je cueille sur la mousse d'un bois, aux pieds d'une jeune fille que je vais quitter, un de ces colchiques dont le calice a le mauve reflet du couchant. A vingt-cinq ans, dans une ville bru meuse où de rauques sirènes crient dans le port, j'adresse à une pure et mince adolescente toute en grisaille comme la paroisse où elle s'agenouil lait, des oiseaux acquis à la foire d'oc tobre, et l'une de ces rosés de Jéricho arides comme le désert d'où elles sor tent, mais qui se raniment et s'épa nouissent sous l'ondée — les eût-on oubliées un siècle dans un coffre. Un peu plus tard, c'est pendant les vendanges, lorsque la bacchante secoue sur ses joues de pourpre les grappes annelées et noires de ses cheveux, que j'emporte à la montagne, pour un der nier adieu, rompues et réunies en fais ceau, des branches d'arbousier aux boules âpres et saignantes comme les amours qui nous déçoivent. Tout cela se passait en automne, il est vrai, mais il est aussi vrai qu'alors je retenais le printemps en moi et que, s'il me fallait redescendre à la manière des bergers, c'était en remportant de ces précoces corolles cueillies à la mon...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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