Extrait du journal

lent et a l'allure de son inspiration, elle exécutait en ou tre, pendant le troisième acte,: les plus belles ritournelles de son répertoire? Dieu me garde de vouloir établir, du premier coup, un parallèle irrespectueux entre une jeune fille qui a sa position a conquérir et la plus grande re nommée de la Comédie-Française, après Talma et made moiselle Mars r Je ne veux que rendre témoignage à là vérité en disant que la débutante a parlé en prose d'une façon aisée et naturelle, et qu'elle a joué Gabrielle sans le moindre violon. La grande difficulté du rôle abordé l'autre soir par Stella Colas, consiste èn ce que le personnage a deux physionomies essentiellement distinctes, l'une qui est du domaine de la comédie, l'autre qui appartient au drame. Pendant les deux premiers àctes, l'auteur;met en scène une jeune fille chaste et belle, élevée pieusement au fond d'une province, et qui trouve, dans les inspirations du devoir filial, le courage de vaincre se timidité natu relle. En abordant.une cour corrompue, où règne une ma dame de Prie, où brille un duc de Richelieu, Gabrielle est d'abord réservée jusqu'à l'effacement, et, si elle ap pelle les sympathies et attire les regards, c'est juste ment par ce contraste de modestie charmante et d'igno rance candide qu'elle apporte dans un' milieu de vices étincelants. Mais, dans cette première partie de l'ou vrage, elle est sacrifiée à madame de Prie, qui occupe le premier plan et remplit la scène du faste insolent de son pouvoir et de son esprit. Ce côté tempéré du rôle en est aussi l'écueil : on n'en saurait triompher complètement qu'avec le charme ou la grâce, une qualité qui s'insinue, mais qui né frappe pas. L'extrême jeunesse de la débu tante, son organe sympathique, la justesse de sa diction, et jusqu'à sou inexpérience, l'ont bien servie dans ces deux actes, que mademoiselle de Belle-Isle ne. fait que traverser sans agir. Quand elle se sera établie dans cette création, — pour laquelle une ou deux soirées devant le public, et aux chandelles, lui en apprendront plus qu'une année d'études silencieuses, — elle s'efforcera sans doute de donner de l'ampleur au personnage et de le soutenirdavantage en scène. On attendait la débutante au troisième acte : c'est lk, en effet, que mademoiselle de Belle-Islè se dessine, ou plutôt que le rôle se transforme et entre dans sa deuxiè me phase. La comédie se tait et le drame élève la voix. Stella Colas s'est montrée très remarquable dans une situation constamment tendue, et qui remplit presque entièrement ce troisième acte. Elle a eu de la tendresse, des élans passionnés et une énergie bien au-dessus de son âge. Si toutefois, sans attendre plus tard, el mettant une sourdine à l'éloge, j'engage la débutante à surveiller à l'avenir un ou deux cris qui sentent l'emphase et quel ques gestes exagérés, c'est que rien n'est plus aisé pour elle que de s'en défaire, les effets forcés étant la néga...