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Le Figaro, 25 juin 1870

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Le Figaro
25 juin 1870


Extrait du journal

malheureux, pauvre, orphelin. Je ne pouvais prévoir alors qu'en moins de trente jours, je verrais entrer à la fois dans la maison pa ternelle où j'avais grandi la ruine et la mort; que mon existence subirait une transforma tion radicale; qu'ayant, ainsi qu'on dit en langue vulgaire, mangé mon pain blanc le premier, je serais réduit à me contenter de pain noir et que le travail, jusqu'alors con sidéré par moi comme un passe-temps, de viendrait une impérieuse nécessité, l'unique moyen de ne pas mourir de faim. Non! dusséje vivre un siècle, je ne per drai jamais le souvenir des.angoissas de mon cœur, à l'heure où j'arrivais au terme de mon voyage. On dit qu'à vingt-cinq ans l'on n'est pas accessible au découragement. C'est un mensonge. Je ne fus jamais si découragé que durant le jour que je raconte. Il est vrai que j'avais été frappé de la manière la plus cruelle, la plus imprévue. Mon entrée dans Paris se ressentit de cette disposition parti culière de mon être. La gare me parut som bre, les rues saus gaieté. Il me sembla lire sur le visage des passants des doutes non moins douloureux que les miens. C'était en juin. On s'était battu la veille. Quand je pas sai devant le Panthéon, je vis des troupes en armes,'des maisons en ruine, les degrés du monument labourés par les boulets et rougis par le sang. Je connus ainsi les horreurs de la guerre civile. Devant un hôtel de modeste apparence, dans la rue de Tournon, le cabriolet qui por tait Antony Fontanes et sa fortune s'arrêta. Je mis pied à terre, et je franchis, ma valise à la main, le seuil de catte maison. Un homme au teint blême, souffreteux,vêtu d'un pantalon^ noir râpé, d'une vareuse de laine grise, fumait, les bras croisés, les yeux au ciel. Il les abaissa vers moi. v —Le maître de l'hôtel ? lui dis-je. — C'est moi, monsieur. — Un de vos anciens locataires, M. Bose, de Nîmes, m'a engagé à descendre chez vous. Pouv- z-vous me louer une chambre ? — Au mois ou à la journée? ' —' Au mois et à bas prix. —- 3» peux vous en donner une au cin quième étage, à quinze francs par mois.Vous y serez à merveille. — Oh ! tout me convient. . Il entra dans une vaste pièce carrée qui s'ouvrait à droite, sous le vestibule, y.prit une olefau milieu de beaucoup d'autres sus pendues contre le mur à des crochetsfnumérotés, et, passant devant moi, se mit à gra vir lentement un escalier en bois, peint en rouge et ciré. Je le suivis. La maison était sombre, humide, silencieuse. Cependant, quand il ouvrit la porte de la chambre qu'il me destinait, un rayon de soleil s'en échappa....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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