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Le Figaro, 27 novembre 1938

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Le Figaro
27 novembre 1938


Extrait du journal

laisse pas cependant de prêter à l'allusion. Quand je la relis, je ne puis me défendre de songer à un autre vaincu, moins grand certes, car il a quitté le champ de bataille en jetant ses armes, mais lui aussi foudroyé, dans une certaine me sure : cela fait toujours impression aux nombreux, dont nous sommes. Le jour où le hideux spectacle de la guerre, lui a arraché ce cri : « Je n'avais pas voulu cela », a-t-il, comme l'autre, « compris qu'il ex piait peut-être quelque chose » ? A-t-il dit" au Dieu des armées, d'une voix que faisait trembler la peur : « Est-ce le châtiment •? » Et quel qu'un qui parlait dans l'ombre lui a-t-ij dit : « Non » ? * A-t-il répété sa question quand il a passé la frontière d'un pays neutre et la voix lui a-t-elle ré pondu : «Pas encore»? Puis, quand il s'est installé dans cet au tre Longwood, pourvu du conforta ble moderne et d'assez de baignoi res pour qu'il ne soit pas obligé, comme Napoléon captif, de prêter la sienne à ceux de ses fidèles qui aiment l'eau ? Il n'a pas été, comme Napoléon, délivré par la mort, et ce n'est pas une lueuy étrange qui lui a per mis de lire enfin, sur la muraille d'une tombe, la réponse suprême, « pareille aux mots que vit resplen dir Balthazar. » Non. Son cas a perdu tout caractère biblique, ro mantique, poétique. L'expiation pour lui est lamentablement banale, d'au tant plus cruelle. Ce n'est que l'im mense oubli. Les heures d'angoisse que nous venons de vivre, que nous n'avons pas fini de vivre, puisqu'il respire encore, il les a vécues comme nous. Je l'imagine parcourant les jour naux dont naguère on lui faisait le service, dont il est maintenant le vieil abonné, ou bien écoutant les informations à la radio. 11 est un nom, le sien, que malgré lui ses yeux cherchent, que ses oreilles guettent, et c'est le seul qu'il ne lise, qu'il n'entende jamais. Il a pourtant conscience — si l'on peut dire — d'être à l'origine de tous ces événements qui remuent le monde, et le monde a l'air de n'en plus rien savoir. Il est comme s'il n'était pas, comme s'il n'avait jamais été. Il n'est pas martyr, il n'est même pas maudit. Lloyd George a oublié-de le faire pendre, et maintenant il y a prescription. Abel Hermant, de F Académie française....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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