Extrait du journal

Le gouvernement passera-t-il la nuit ? Nous savons bien que la Chambre, à sa de mande, selon la tradition par lementaire de trancher après minuit les questions les plus difficiles, les plus graves, va siéger en permanence jusqu'au matin... jusqu'à midi. Mais le ministère ne sera-t-il pas renversé ? Le paradoxe sur lequel il vit lui permettra-t-il de franchir la centaine d'articles que le ministre des finances a îepoussée à la commission et que la Raison de Cabinet lui fera sans doute accepter ? Les socialistes, d'autre part, ne finiront-ils pas par avoir quelque sursaut ? Beaucoup ne cachent point à leurs chefs la répugnance qu'ils éprouvent à suivre l'ancien collègue de M. Poincaré qui, tout en leur cédant, proclame sa foi capitaliste, martyr qui 11e veut pas mourir encore. Quelque accident, vers deux heures du matin, ne va-t-il pas se produire ? Il se pourrait. La C. G. T., est mécontente, dit-on. Ne sera-t-elle pas la plus forte ? Jadis, on raisonnait de ces pro blèmes parlementaires en se fondant sur des données de moralité politique, de convic tions, d'impossibilités. Mais, tout est possi ble, à présent, puisque nous pouvons as sister au chaos actuel. C'est pour consolider le bloc socialisant que M.. Léon Blum a prononcé hier matin un discours plein de ruse. La droite l'a écouté avec une étrange faveur, sans com prendre que ce n'est là qu'un moyen d'at teindre par la modération, en attendant la violence, le but final de révolution.. Le leader socialiste, qui dans son journal qualifie de « bataille sociale »,• et sans doute, avec raison, le débat actuel, a peint de couleurs radicales le contre-projet Auriol. Comme le parti de la rue de Valois a adopté pour faire le cartel électoral maints articles du programme S.F.I.O., l'orateur a fait croire au groupe de M. François Albert que ce contre-projet n'était que leur programme. Et comme nul, en ce moment, ne se'soucie plus de l'équilibre budgétaire, il a trouvé pour son plan la meilleure enseigne : « Terrain de ralliement pour la majorité ». Mais il n'a pu cacher cette pensée qui guide son effort de soutien ministériel. Ce qu'il veut d'abord, c'est ne pas revoir 1926 et l'Union. Il sait bien que là est le salut pour les natio naux et pour le régime ébranlé. L'heure de la revanche est, croit-il, sonnée pour les révolutionnaires. Ils ne veulent pas subir un second échec pareil à celui qui leur fut infligé à Versailles quand, après l'équilibre rétabli par la Caisse d'amortissement,,qu'ils veulent ruiner, M. Poincaré acheva de sauver le franc. Y réussiront-ils ? • Le peuvent-ils ? Et M. Chéron n'est-il pas coupable de tenter la gageure de s'appuyer sur eux pour )e rétablissement des finances ? C'est ce que s'est demandé M. Paul Reynaud en traçant du grand argentier un portrait singulièrement spirituel qui a réjoui la Chambre, mais point le modèle. L'orateur semblait un moineau qui donne, des coups de bec dans un ballon au grand risque de le dégonfler. Le ministre se fâ chait. Son pathétique trop gros semblait irriter quelque peu M. Paul-Boncour.. Peutêtre se rappelait-il, à part lui, la phrase des Convictions de Papa : « J'ai porté mes convictions à droite, je les ai portées à gauche ; elles sont toujours restées iné branlables. » Cette nuit le ministère sera, pour !c moins, secoué....