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Le Fin de siècle, 4 juin 1896

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Le Fin de siècle
4 juin 1896


Extrait du journal

je la pousse dans l’entrée, et, en deux temps et trois mouvements, je l’introduis dans une armure ancienne, une armure merveilleuse que revêtit jadis un de mes aïeux à la ba taille de Bouvines. L’habit était un peu grand, mais il n’avait pas été fait sur me sure... « J’ouvre alors. Le tout ne m’avait pas demandé deux minutes. Je me trouve en pré sence du commissaire de police, d’un serru rier, de deux individus que je ne connais pas et de cette canaille de Lampied, que je reconnais tout de suite à sa saloperie de gueule de cocu. « — M’sieu, me dit le commissaire, vous « avez, chez vous une femme qui ne vous « appartient pas, madame Lampied, et je « vous prie de nous la rendre sur-le« champ. « — Monsieur, répondis-je au commis« sa ire, vous vous êtes sans doute trompé « d’étage, car je n’ai point de femme chez « moi. Si vous voulez vous en convaincre, « je vous autorise volontiers à chercher « aussi longtemps qu’il vous plaira. « — C.’est ce que je vais faire, m’sieu. » « Et toute la bande entra, toute la bande, plus un chien. Connue, alors, je n’avais pas de haine pour cette espèce de quadrupède, je ne protestai point contre son intrusion dans mon domicile. « Tout de suite, le commissaire tomba sur la robe, le corset, les jupons, les bas. la chemise et le chapeau d’Adèle. « — Reconnaissez-vous ces vêtements « pour être ceux de votre femme ? demanda le commissaire à Lampied. « — Peut-être... peut-être, répondit celle « canaille de Lampied. « — Ne vous étonnez pas, monsieur le « commissaire, interrompis-je, de trouver « ici des vêtements de femmes. A peu près « toutes les femmes de l’immeuble suut mes « maîtresses, et celte dont c’était le tour « hier soir a simplement oublié ces quelques « menus objets avant de se retirer ce « matin. « — Même sa chemise? » hurla l’homme légal. « — Même sa chemise, en effet..., mais « j’oubliais de vous dire que cette personne « a des cheveux si extraordinairement longs « qu’une chemise et une robe lui sont « absolument inutiles. Souvent même, elle « sort dans la rue, elle va sur les boule« vards... comme ça... Personne n’y voit « rien, personne ne s’en doute. Et le plus « inouï, monsieur, c’est qu’elle couche avec; « c’est comme si vous couchiez avec votre « pardessus. » «. Malgré mon discours, ils fouillaient tou jours. Mon lit gisait au milieu de la chambre, le matelas sur les oreillers, les draps sur les tapis... Ils flanquèrent ma garde-robe en l’air, sous prétexte de voir derrière mes pardessus. « Le commissaire se donnait vraiment au tant de peine que s’il eût travaillé pour son propre compte; j’ai toujours supposé, depuis, que sa femme le trompait. Ah! si je la con naissais!... « Ils fouillèrent même derrière les cadres, derrière la pendule, derrière le réveil-matin, dans la cheminée, dans les cabinets (w.-c.), dans la table de nuit. Enfin, après trois quarts d’heure d’inutiles recherches, ils allaient s’en aller, nous allions être sauvés, c’était bien fini ; le commissaire commen çait déjà à traiter d’idiot cette vieille bourri que de Lampied qui l’avait, disait-il, dé rangé pour rien ; lorsque, tout à coup, je vois l’armure de mon aïeul s’agiter et j’en tends une voix effrayée retentir dans le cas que d’acier : — «Cochon! cochon de chien ! Tu n’as pas bientôt fini? » « Le cochon de chien pissait tout tranquil lement sur les mollets d’Adèle. « Ah! dame, ce fut le bouquet. Le commis saire se précipita sur l’armure, Lampied se précipita sur moi, le serrurier se tordait comme un cheval qui a des tranchées, les agents firent « circuler » les bonnes de la maison qui, en bataillon compact, attendaient sur le palier. « Et, comme le Mensonge, fleurie de ses vermeilles spendeurs, Adèle, mon futur crampon, le crampon que j’ai dû lier à ma patte pour l’Eternité, apparut; sêsdeux mains cachaient son front rouge de honte. « C’était, je l’avoue, assez gentil comme tableau. « Le ménage Lampied divorça, deux mois plus tard ; j’ai hérité de Mme Lampied. Je n’en suis pas plus lier pour ça, je vous le jure. « Et voilà trois ans que ça dure. Et vous voudriez que j’aime les chiens quand c’est à une de ces horribles bêtes que je dois mon horrible crampon ! On devrait en détruire la race, dit Montgiroult pour terminer. *...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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