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Le Fin de siècle, 17 octobre 1891

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Le Fin de siècle
17 octobre 1891


Extrait du journal

Comme on le chante, dans les ro mances sentimentales, l’amour n’a qu’un temps. Il s’effeuille, presque aussi vite que les roses. La passion la plus ar dente s’enlise peu à peu dans la fange des habitudes, des banalités, des accou tumances. Et l’on s’aperçoit un jour que la flamme s’est éteinte alors qu’on la croyait flamboyante encore. Les seules amours qui s'éternisèrent durant de longues années furent des amours chastes, sans l’assouvissement du moins des fringales charnelles. La chair use la chair : la luxure aveulit et les nerfs et les cœurs. Ils le savaient bien les grands apôtres de l’Universel Amour, les Christ, les Jean-Baptiste ; et s’ils prêchaient la rébellion à la Jouissance, c’était qu’ils rêvaient de sauver, parmi de rares élus du moins, la force, la puissance du Bien-Aimer. Je le sais, cette théorie que l'Amour est une lutte où un homme et une femme se mangent le cœur, boivent au sang l'un de l’autre une haine farouche, répugne aux tendres créatures qui vou draient s’abîmer en d'infinies caresses, s’éperdre jusqu’à la mort, dans le lit, corps à corps. Hélas ! l’expérience de tous les jours est là, et prouve que réel lement ceux qui se sont le plus vio lemment aimés, se séparent un jour, sans une larme, sans un regret, heureux même à l'heure de la séparation. Navrante désespérance ! Ne pouvoir aimer toujours, toujours !... *** Il faudrait avoir la force de résister à cet aimant qui nous attire dans les bras 1 un de l’autre, ne pas céder aux appels de la chair, s’aimer très purement, de coeur seulement, se contenter de ces bons et fugitifs serrements de main, de ces rapides baisers, de ces frôle ments étranges de la jambe et des ge noux, à travers les étoffes des vête ments, en un mot de ces enfantins pré ludes qui marquent le début de toute amoureuse aventure, et qui restent plus fard le meilleur souvenir, celui qu’en un coin du cœur, on adore toujours. Mais est-ce possible ? Sans doute de pareilles liaisons, que n’ont point dé florées les brutalités des sens, ont existé. Mais combien rares ! Et comme il faut savoir comprimer sa chair, pour ne Point la livrer, toute, à tous les bai sers ! — Eh bien, me disait triomphale ment la perverse Faustine, cette savoufeuse mondaine, qui passe fièrement au...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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