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Le Fin de siècle, 21 novembre 1897

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Le Fin de siècle
21 novembre 1897


Extrait du journal

gner à sa cause; il saura vous convaincre que son amour « trop rapidement né » n'aura pas été une flambée de désir ; s’il vous aime, vous serez bien forcée de voir plus clair, et ce jour-là, qui sait ce que votre cœur où vos sens déci deront ? * * * Les exemples d’amour « au coup de foudre »,— pardonnez-moi, chers lec trices, cette expression absurde et vieil lotte, — ne sont point aussi rares qu’on le croit. Les meilleures liaisons se sont nouées rapidement, sans réflexion, sans pudeur ; on s’est donné l’un à l’autre, brusquement, sans discours, au galop. Je connais de bien jolies amours, nées à la première étreinte des mains, et j’ai souvent envié et désiré le bonheur de ces amants-là. Il y a environ deux ans, Marc D... se présentait un jour chez une de nos plus jolies artistes d’Opéra. Il venait, pour un ouvrage sur l'art lyrique, demander à la brillante artiste son avis sur la mu sique moderne. M"® X... reçoit Marc B... Ils ne s’étaient jamais vus, mais ils se con naissaient de noms. Tout de suite, Marc lî... oublie pour quoi il est venu, il regarde M11® X.... ne parle pas ; il ne pense pas, non plus, que sa conduite peut-être sinon ridicule, au moins étrange. Et le voilà parti dans une déclaration d'amour. MlleX... n’est aucunement surprise ; il s’est en effet passé dans elle même, la même révolution qui a transformé Marc. Elle accepte la déclaration, y répond aussitôt..Ils se figurent qu'ils se con naissent depuis longtemps déjà, qu’ils sont amants {depuis longtemps. Et sans l’imbécile pudeur de bour geoises hypocrites, parce qu’elle aimait, parce qu’elle se sentait aimée, elle se donna à Marc B... sans craindre une seule minute que son amant pût,après la possession.penser qu’elle s’était trop vite laissé séduire,et la comparerà unecatin. Ils s'aimaient et ils s’étaient aimés tout de suite. Le soir, M110 X... faisait ses malles ; Marc B... ne voulut même pas aller jusque chez lui pour prendre des vête ments, ne pouvant quitter sa chère maîtresse, et ils partaient pour un long voyage. sans prévenir personne et sans s’y être préparés. Marc B... n’avait pas vingt-cinq louis dans sa poche, il n’y pensa même pas; Mlle X... avait un carnet de chèques, elle le prit. Ils ne revinrent de voyage que lors qu’ils furent ruinés, s’aimant toujours, s’adorant comme des dieux. Marc ven dit les quelques biens qu’il possédait, et remboursa à sa maîtresse les sommes d'argent dépensées; depuis, toujours passionnément amants, il ont repris la vie de travail; ils ont mêlé leurs ambi tions, ils seront heureux peut-être toute la vie. On dit qu’il n'y a que les artistes pour vivre ainsi ; c’est une erreur, toutes les natures sensibles sont prêtes pour la vie d’amour, toutes les belles natures déci dent vite deleur cœur, etjecroisqu’il n’y a que les amours rapidement écloses qui soient vraiment belles, hors du banal, et durables. Ce Sont, en tous cas, les seules qui soient passionnelles, voluptueuses, délirantes, — et ces amours folles de luxures ne sont-elles pas les seules que I on doive ambi tionner? Victorien du SAUSSAY....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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