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Le Fin de siècle, 26 mai 1895

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Le Fin de siècle
26 mai 1895


Extrait du journal

que tu m’appartiennes ; tu es si belle que demain, peut-être, tu refuseras mon étreinte pour t’envoler vers des étreintes nouvelles. Voilà pourquoi je voudrais que ta beauté se changeât en laideur. Quand, de tous tes charmes, de tous tes trésors, il ne resterait que des ruines, lors qu'il n’y aurait plus que ton âme et ton cœur d’aujourd’hui, dans une misérable enveloppe, dédaignée de tous ceux qui t’auraient connue, qui t’auraient espérée, je resterais là, moi, pour t’aimer. Alors, j’aurais l’orgueil de te consoler de ta mé tamorphose à force d’amour. Je baiserais ces rides, parce que je me souviendrais qu’en leur place il y avait le satin pâle d’une peau incomparable; je parfumerais d’amour tes cheveux gris, comme aujourd hui je m’enivre du parfum puissant de tes cheveux brumeux et sombres, comme ces nuages incolores qu’un cou cher de soleil borde de cuivre rouge. « Sur tes seins flétris, je retrouverais les palpitantes ivresses que m’auraient données tes seins bondissants. Ta bouche pâlie serait toujours pour moi la bouche rose d’autrefois ; ton cou pur et gracieux, je l’aimerais, dans celui que la vieillesse t’aurait donné. Je n’aurais plus à contem pler la beauté, mais ta laideur de femme vieille serait le souvenir vivant encore de ce que tu aurais été, et je t’aimerais, et tu me garderais, et je t’idolâtrerais, au point que ta passion si légère maintenant, de viendrait immense, d’autant plus grande que la raison te hurlerait que nul homme, excepté moi, ne pourrait plus te donner la centième partie de l’amour dont je saurais te combler. « Parce que ce que j’aime dans toi, c’est la femme. Et la femme ne consiste pas seulement en sa beauté, si idéale qu’elle soit ; elle est presque tout entière dans l’essence qui s’élève de son être in time, la femme existe dans son cœur, dans son âme, et dans son immatérialité. » Emballée par le romanesque — qui pa raîtra toquart à bien desjeunes freluquets d’aujourd’hui — de ce grand seigneur, hé ritier d'une des plus belles et nobles fa milles de France, qui, sincèrement, se croyait capable de vivre et d’aimer comme au temps des légendes naïves, Léonide qui avait compris combien elle avait dû inspirer d’amour à son amant pour qu’il eût de tels rêves, se précipita hors de sa couche, et tendant ses bras vers l’enlace ment, se blottit, chatte amoureuse, dans l’étreinte et contre le baiser... ... Mais, Léonide ne nous conta pas les détails de la fin de l’histoire, elle dit seu lement : — ... Et nous nous sommes bien aimés. Ces rêves d amants ne se réalisèrent point : Sosthène de L... mourait,quelques mois après, enlevé par un mal de poitrine ; Léonide vécut encore longtemps, fut aimée jusqu’à sa fin, demeura assez belle, malgré la morphine, pour exciter les désirs et fa ire na lire l’amour de ceux qui l’appelaient « l éternelle déesse »....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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