Extrait du journal

Après les dix semaines de tranchées qu'ils venaient de passer-de Lorraine en Artois, ils s'étaient donc ici ranimés d'à, bord à l'espoir attachant d'un autre genre de vie et de combat, désormais hors 'de France, en ce vaste pays fla mand, au terrain loyal, sans obstacles de vallées et de montagnes, ni de forêts pleines d'embûches, où l'esprit comme la vue portait, naviguait droit et loin, ou ça serait une joie de marcher, à dé couvert, dans le grand vent vous cin glant la figure. Tout y était neuf pour eux, les horizons, la lumière et le sol, les gens et leur langue ; et aussi les corps d'élite auxquels ils venaient se joindre : coloniaux, fusiliers marins, chasseurs à pied, spahis. Mais cette favorable im pression, née seulement d'un enfantin désir, n'était que celle des hommes. Les chefs, dans leur clairvoyance, étaient empêchés de la partager. Ils se rendaient compte quils n'avaient quitté le mau vais que pour trouver le pire ; et s'ils s'étaient -abstenus de détromper tout, de suite les soldats, c'est qu'ils avaient sa gement pensé que la réalité saurait qu'eux le faire... En effet, quel ques 'jours à peine avaient suffi pour anéantir les illusions des braves gars et leur révéler la grande souffrance à en durer à présent : celle de l'eau....