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Le Gaulois, 13 novembre 1890

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Le Gaulois
13 novembre 1890


Extrait du journal

d'hui, les brimades ne s'exercent guère que par la blague ; le troupier est blagueur dans son essence, gouailleur et profondé ment philosophe. Je ne crois pas que l'on puisse arriver à empêcher la blague et, réellement, on ne peut guère punir un homme pour d'innocentes taquineries. Gela fait partie de l'entraînement à la vie militaire, entraînement nécessaire, in dispensable même, qui donne des résultats si prodigieux que dans le plus obscur des régiments de ligne, lorsqu'on a besoin d'hommes de bonne volonté pour aller se faire tuer, on en trouve toujours beaucoup plus qu'il n'en faut. Et ces hommes-là, ce sont des paysans. Car, il ne faut pas se le dissimuler, le paysan, c'est la masse. Le paysan, c'est ée fantassin modeste qui se fait casser les os d'un éclat d'obus et tombe, ignoré, sans objectif à réaliser, sans ambition à satis faire, uniquement pour la patrie. C'est lui qui gagne les batailles, lui qui, sous la mitraille, pousse son camarade blessé, pour serrer les rangs et prendre sa place. Pour substituer, chez le paysan, le sen timent du patriotisme à celui de la con servation, pour lui donner l'idée bien ar rêtée du devoir, pour lui demander le sa crifice immédiat de sa vie, pour lui in culquer l'amour des choses militaires, il faut, comme nous* le disions plus haut, un entraînement. Cet entraînement, un an ou deux de présence au corps suffisent à le lui donner. Rentré au foyer, sous ses habits de travail, sous la blouse bleue qui lui sert à faire la récolte ou à pousser la charrue, il conserve la fibre militaire prête à vibrer au premier appel. Jusqu'à son arrivée au régiment, le paysan travaille en considérant le clocher de son village comme sa seule patrie, 1 e reste du monde lui est étranger. Mais il a été au régiment; il a fait son éducation militaire, appréciant les rigueurs et les devoirs du troupier. Au quartier, il a pris le mot d'ordre en subissant les brimades, comme les autres, et faisant peu à peu corps avec son régiment, envoyant flotter le drapeau, il a enfin compris ce que le paysan ignore : que le mot de patrie n'est point une abstraction. Les séminaristes, qui sont tous intelli gents, qui, tous, ont le cœur bien placé et comprennent le patriotisme élevé qui marche à côté de la religion, se plieront bien vite aux exigences de la vie mili taire. Pendant les mauvais jours de 70, nous avons été à même de voir les bran cardiers et les prêtres; nous avons vu quel courage il y a toujours sous la sou tane et, comprenant le nouveau sacrifice que leur demande la patrie, aucun de ces futurs ministres de Dieu ne songera à s'y dérober....

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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