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Le Gaulois, 19 janvier 1922

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Le Gaulois
19 janvier 1922


Extrait du journal

L'AMEjUJSSE Voici nombre d'années que nous nous intéressons à l'âme russe, mais cet intérêt, depuis longtemps, a bien changé de caractère. D'abord libre et curieux, il s'est modifié, depuis la guerre, selon le sentiment dramatique que nous avions pris des choses. Il gardera la même nature tant que la Russie de Lenine joutera, à l'égard de la civilisation occidentale, un rôle assez semblable.à celui des Barbares aux frontières de l'empire romain. Mais cela ne fait que rendre l'étude de cette âme plus attachante et plus nécessaire. Il n'y a pas de haute politique sans des connaissances, profondes, et l'homme d'Etat qui ne saura pas beaucoup de choses apparemment inutiles ne pourra même pas concevoir dans leur étendue les problèmes que notre époque lui donne v résoudre. Sur un sujet si important, un-. livre récent apporte une contribution riche et variée entre toutes c'est celui de M. Maurice Paléoloigue :.La Russie des Tsars pendant la grande gueirc. M. Paléologue, comme on sait, était ambassadeur de France en Russie avant et pendant la guerre, et ce volume n'est que le premier de ceux où il nous fera part deses souvenirs. Dès le début, que de tableaux, que de personnages La plupart des hommes qui ont été mêlés à ces grands événements ne nous en racontent d'habitude que la part qu'ils y ont prise. Ils nous retracent le chemin qu'ils ont siùv'i ,saris nous représenter le pays qu'ils ont traversé. Ici, au contraire, par une chance bien rare, nous avons affaire à quelqu'un qui sut être à' la fois un acteur et un grand! témoin. Tandis qu'il nous peint l'image* d'un monde, on sent qu'il était lui-même obsédé par le besoin d'en atteindre et d'en pénétrer I'âme. Toutes ses facultés d'esprit devaient le pousser,il un tel effort, mais plus encore son inquiétude de Français, de représentant de la France. Dès les premiers chapitres de son récit, nous sentons que le drame de la guerre, qui engloba du premier coup l'âme f r&ncuise, n'arrive pas. à circonscrire la surface indéfinie de l'âme russe. La guerre, chez nous, commença comme une tragédid dès le lever du rideau, tout le drame fut posé, tout le danger aperçu les consciences se groupèrent est s'organisèrent avec une résolution silencieuse. En Russie, au contraire, c'est plutôt comme le commencement d'un' roman immense, .épars, divers, paresseux non pas que manquent les scènes entraînantes, ni les nobles figures c'est l'Empereur plein de scrupules, c'est la haute conscience chrétienne de M. Sazonoff, irréprochable au bord des calamités qu'il a voulu éviter c'est, sur la route, un colonel enthousiaste qui fait défiler son «régiment devant l'ambassadeur de France. Mais, il mesure que la guerre annonce ses difficultés et sa longueur, que de figures douteuses, de personnages louches, enveloppées de ruses et d'intrigues, tandis que nous revoyons toujours le pâle couple impérial, tantôt pris et comme annulé dans des cérémonies d'une pompe et d'une raideur byzantines, tantôt présenté à nous dans la simplicité d'une vie domestique à peine seigneuriale, où les souverains, discrets, étiolés, ont déjà la pâleur et l'effacement des fantômes Tout a été dit sur Nicolas II. En` vérité, les enseignements de l'histoire, qui ne font que corroborer ceux de la vie ordinaire, montrent que la destinée, si elle s'arrange fort bien des méchants, est sans pitié pour les faibles. Nicolas II en, a fait la preuve une fois de plus..Du moins, qu'on laisse aux souverains leur honneur 1 Il est certain que l'Empereur n'a jamais admis l'idée de manquer à l'alliance, et quant à l'Impératrice, c'est une légende outrageuse qui l'a peintre comme une amie des. Allemands. La vérité, telle que les livres de M. Paléologue nous l'apporteront, aura pour ces deux ombres malheureuses quelque chose! de propitiatoire....

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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