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Le Gaulois, 25 décembre 1922

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Le Gaulois
25 décembre 1922


Extrait du journal

sée a notre surveillance matérielle. Elle nous a bercés, lavés, pomponnés, gardés, amusés, occupes, soignés, 'caressés, xoeè. frères et .sœurs et moi, avec une activité que les années nue- ralentissaient pas et que les servantes exploitaient sans vergogne toujours allant et veriant a travers la grande maison, de la cave au galetas, par les escaliers, car elle oubliait la moitié des travaux qu'elle comptait entreprendre, ou suspendait brusquement ceux qu'elle avait entre-i pris, commençant un nettoyage, l'abandonnant pour çhasser la poussière d'un meuble, menant la guerre contre les toiles d'araignées au moyen d'une tête de loup, sorte de brosse fixée au bout d'une perche, ou bondissant sur l'un de nous qui avait crié. Nous l'adorions et son indulgence était sans bornes. Elle poussait jusqu'à l'idolâtrie le culte qu'elle professaint pour nous tous en bloc, et pour chacun de nous en particulier. Mais conv ment expliquer la complexité de ce sen.liment? A cause' do cette admiration même, de cette dépense physique et de sa, crédulité, ma tendresse pour elle se nuançait d'une certaine condescendance. Positivement, je me considérais auprès d'elle comme un être supérieur. L'auréole des humbles tâches domestiques ne m'apparaissait nullement. En ,lui réservant cette place à la messe de minuit, sachant lui causer un très grand plaisir, le plus grand qu'elle pût connaître alors, je me complimentais moimême « Cette bonne tante Dine. on la; récompense avec peu de chose. » Avec pqjp de chose! Elle eût été scandalisée si elle avait surpris ce dialogue intérieur. Ce « peu de chose » était pour elle la première des choses. Elle ignorait, tandis que ma mère le soupçonnait et s'en inquiétait, le drame de conscience que je traversais. Car je tra¡versais un drame de conscience comme j'entrais dans ma quatorzième année. Le prêtre qui m'avait préparé quelques années auparavant à ma première communion, émerveillé de mes ardeurs mystiques, avait fondé les plus hautes espérances, et même les plus hardies, sur jna ferveur. Il avait annoncé, prématurément et non sans beaucoup s'aventurer, que je ferais. un miracle. Si bien ;que, relevant la tête que je tenais cachée dans mes mains apgès la visite solennelle de Dieu, à la suite d"un long recueillement, je l'aperçus qui m'adressait des signes non équivoques d'impatience et mis quelque temps à comprendre ce que ce manège signifiait. Il n'y avait pas de doute à garder le moment était venu, et il me fallait sans retard m'exécuter, sous peine de compromettre 1a réputation de mon prophète. Je dus lui indiquer modestement mon impuissance à accomplir les merveilles qu'il attendrait. Il ne se rendit qu'avec lenteur à l'évidence. Mais il ne m'a jamais pardonné....

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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