Extrait du journal

L'équipe ministérielle que préside M. Doufiïergue est tellement, disqualifiée qu'on peut déjà la tenir pour morte. Le répit que l'on consent à lui donner, afin de ne pas compliquer par une crise ministérielle le commerce des étrennes, n'est en réalité qu'une agonie. Il y a cependant un homme intelligent dans cette équipe de malheur c'est M. Caillaux. Comment n'a-t-il pas senti, avant de s'embarquer sur ce bateau pourri, qu'il n'était pas en état de tenir la mer? L'équipage qui le monte se heurte de toutes parts à l'impossibilité de vivre. Car un ministère ne vit pas seulement du concours du Parlement. Un vote de confiance ne signifie rien du tout, s'il n'est sanctionné par le crédit public. Et c'est la condition vitale qui manque au ministère Caillaux-Doumergue. Cette troupe carnavalesque, depuis qu'elle s'est montrée au peuple, n'a recueilli que des • sifflets. Les radicaux de l'école de M. Combes ont 'voulu courir cette aventure, et voilà ce qui leur en revient une déconvenue constante et définitive. Ce sont gens qui ne se connaissent pas eux-mêmes, pas plus qu'ils ne connaissent le pays. Il y a trente ans qu'ils exercent sur Jui une oppression doublée d'un pillage éhonté, sans se douter même des rancunes qui se sont accumulées dans sa conscience et qui maintenant commencent à jaillir de toutes parts. Ils ont exploité le pouvoir à leur seul profit, comme on exploite une ferme, et jamais la France ne connut de maîtres plus insolents et plus durs. Ils jouissaient de leur conquête sans vergogne et traitaient en ennemi quiconque ne leur ressemblait pas. Leur république ressemblait à s'y méprendre à la tyrannie qu'exerce l'Allemagne sur l'Alsace-Lorraine. Il fallait penser, parler, marcher et s'habiller comme eux, sous peine de perdre son droit de citoyen, comme les fils de nos vieilles provinces restées fidèles à la France perdent, là-bas, tout droit à la patrie. Il y a trente ans et plus que les victimes de cette basse et brutale oppression se plaignent et prennent le ciel et les hommes à témoin de leur martyre. Ils sont fort éloquents, mais ce sont des conservateurs, des catholiques, autrement dit des réactionnaires, mais ces espèces sont faites pour être brimées par les hérauts du progrès, et leurs justes doléances n'ont eu jusqu'à ce jour d'autre résultat que d'entretenir le rire épais de leurs .bourreaux....