Extrait du journal

PARIS, 13 DÉCEMBRE. La Gazette annonce, dans les termes suivant, que le gouverne ment anglais a donné l’ordre à M. lu duc de Bordeaux de quitter l'Angleterre : « Le ministère anglais a fait signifier à Henri de France l’ordre de quitter l’Angleterre. C’est un acte arbitraire s’il en fut. La loi de Va lien bill a été rapportée. Nous ne savons pas ce que fera Henri de France. Il voulait partir le 18 ; peut-être exécutera-t-il ce qu’il avait déterminé, mais s’il veut résister à cet ordre des tories, il n’y a pas de tribunal anglais qui ne lui donne raison, parce que dans la Grande-Bretagne, les lois sont garanties par l’indépendance des magistrats. « Ce que les tories devaient empêcher, dans les intérêts 'qu’ils épou sent si chaudement, c’étaient les déclarations de Bclgrave-S piare, c’est la lettre à M. de Chàteaubriaud. Aujourd’hui que ces déclarations si françaises et si libérales sont dans toute la France, la mesure du mi nistère tory est bonne, puisqu’elle met dans toute son évidence la haine que les éternels ennemis de la France portent à tout ce qui constate sa grandeur et sa gloire. Henri de France descend de Charles F et de Char les VII, qui ont chassé les Anglais de France. Les analogies de situa tion ne manquent pas entre ces trois princes. Les tories diront sans doute que c’est> le mot de roi de France qui motive ce coup d’état, mais on ne s’y méprendra pas; c’est le mot de libertés nationales qui a blessé les oppresseurs de l’Irlande et les ennemis de la France. » Il est évident qu’il a dû en coûter au ministère anglais de pren dre une mesure pareille, qui n’est ni dans ses mœurs, ni dans ses précédons. On ne peut refuser au peuple anglais des habitudes hos pitalières ; les légitimistes savent cela mieux que personne. Lon dres dispute presque à Rome le privilège de servir de refuge aux grandeurs déchues -, et l’on y a vu arriver successivement, depuis quelques années, Charles X, le duc de Brunswick, le prince Louis, le président Boyer et le régent Espartero. Il n’est donc pas douteux que M. le duc de Bordeaux n’eût trou vé en Angleterre l’accueil le plus respectueux et l’hospitalité la plus durable s’il eût été assez sage et assez digne pour s’y présenter en prince Bourbon, et non en prétendant, qui octroie sa charte d’avan ce ; mais le bon sens le plus vutgaire ne pouvait qu’être choqué des démonstrations scandaleuses auxquelles les légitimistes se sont livrés à Belgrave-Square, et que M. le duc de Bordeaux a autori sées. Les légitimistes ont doue à se reprocher d’avoir fait sortir M. le duc de Bordeaux d’Angleterre, en 1843, comme ils l’ont fait sortir de France avec toute sa famille, en 1830. Ces hommes sont une fatalité pour les causes qu’ils épousent; il n’y en a pas de si bonne qu’ils ne gâtent par leurs folies. C’est, du reste, un spectacle misérable que celui des injures adres sées par les légitimistes à l’Angleterre, qui les a reçus, nourris et vêtus pendant l’émigration. Il est possible que les Anglais soient, comme vous dites, les ennemis éternels de la France, et c’est sans doute pour cela qu’ils se sont montrés vos amis, qu’ils vous ont donné de l’argent, des vaisseaux et des armes, pour venir attaquer votre patrie. L) ailleurs la colère ne vous inspire pas heureusement, quand vous rappelez que M. le duc de Bordeaux descend de Char les V et de Charles VII, qui ont chassé les Jnglais de France ; M. le comte d’Artois et M. le comte de Provence en descendaient aussi : ce qui ne les empêcha pas de devoir leur couronne au prince régent d’Angleterre, après la divine Providence. Allez, si M. le duc de Bordeaux était dangereux pour nos institu tions, nous ne lui voudrions pas d’autres amis que vous. En quinze ans, vous avez renversé le trône de la Restauration, qui était pour...