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Le Globe, 24 novembre 1843

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Le Globe
24 novembre 1843


Extrait du journal

l’obscurité dérobe leur rougeur aux regards inquisiteurs des grands paï ens, et personne ne se fâchait. Pour quiconque n’en connaissait pas le motif, cette agitation inac coutumée eût semblé étrange. Les villes de province, avec leurs larges rues, honnêtement émaillées d’herbe, présentent rarement un aspect animé, surtout à pareille heure. Mais, ce soir là, le tumulte et la foule contrastaient vivement avec le calme de la nuit. La lune argentait les dômes des clochers ; les toits d’ardoise profilaient leurs croupes luisantes sur l’azur étoilé du ciel, or, sur la grande place illuminée par cette douce clarté, oii voyait moutonner des milliers de tètes à travers le léger brouillard d’une nuit de printemps. Au milieu de la foule qui encombrait la grande place il restait un espace vide du sein duquel on vit bientôt s’élancer une '"grande flamme dont la langue étincelante, léchant le dôme du ciel, éclaira de reflets rougeâtres les murailles des maisons et des édifices. Alors, mille cris d’allégresse éclatèrent de tous les points de la ville, et la foule, un ins tant immobile, s’agita en tous sens comme une fourmillière en travail. Chacun s’élança vers le leu qui s’accroissait sans cesse ; les garçons et les filles se prirent par la main, et dansèrent tous ensemble autour du gigantesque bûcher, eu chantant en chœur les rondes de la Saint-Jean. La Saint-Jean! Certes, c’est un beau jour pour les habitans des villes du nord de la 1 rance. 11 faut être bien pauvre pour ne point apporter son tison au feu de joie, et, à moins d’avoir la goutte, il est impossible de ne point danser ce jour-là. Aussi il fallait voir comme ce bon peuple flamand, si calme et si flegmatique d’ordinaire, s’abandonnait à sa folle joie et bondissait à la lueur rouge et fantastique de l’immense foyer. Bientôt d’autres feux, s'élevant de tous les points de la ville, dans les carrefours les plus populeux, tachèrent îa voûte du ciel de splendides clartés, taudis que l’ardente lumière des flammes se fondait bizarementaux rayons bleuâtres et argentés de la lune. Aussitôt ceux qui n’a vaient pu s’enchaîner à la ronde immense de la grande place coururent danser autour de quelque autre feu moins encombré ; Marguerite et Fernand furent de ce nombre. Les deux jeunes gens, malgré leur vif dé sir de prendre part à la fête, étaient arrivés un peu tard ; d’ailleurs ils ne se souciaient pas de se mêler au plus bruyant de la foule, et après avoir un instant joui du coup-d’œil, ils coururent, la main dans la main, vers le .feu d’un carrefour voisin où les quadrilles, moins nombreux, laissaient place à de nouveaux danseurs. Là, du moins, les jambes pou vaient se livrer avec plus d’élasticité aux agrémens du jeté-battu, et le plaisir de la danse, pour être moins échevelé, n’en devenait que plus agréable et plus décent. Lorsque les deux jeunes gens arrivèrent au carrefour voisin de la grande place, la danse était déjà commencée, et do nouveaux amateurs se disposaient à y prendre part. Au nombre de ceS derniers, deux per sonnages surtout méritaient de fixer l’attention. 1m premier était un jeune homme d’une trentaine d’année^ assçe replét i:t doué d’une Ûë tes l>bysienomic* qui dénotent un parfait contentement de sel même*...

À propos

Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.

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Données de classification
  • de tocqueville
  • guizot
  • fernand
  • angleterre
  • saint-jean
  • grâces