Extrait du journal

M. Emmens est un chimiste américain de vaste envergure, auquel on devait déjà, parmi nombre de travaux originaux des plus curieux, un nouvel explosif d'une puissance extraordinaire, baptisé cela va de soi Il « emmensite ». Au fond du fauteuil où une cruelle affection de la moelle épinière le condamne à passer une existence morose,- mais laborieuse, M. Emmens, dont le cerveau déborde d'idées, multiplie les miracles. Par exemple, son dernier exploit « n'est pas », comme ditfautre, « dans une musette », quoiqu'il soit effectivement .destiné à remplir les sacs. M. Emmens a; eh effet, trouvé le moyen de donner un corps objectif au rêve des alchimistes de tous tes temps et de fabriquer l'or artificiel Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y travaille, et, plus d'une fois déjà, j'ai eu moi-même l'occasion d'annoncer la découverte probable aux populations, sans réussir à autre chose qu'à amener un sourire de scepticisme, d'ironie et de pitié sur les lèvres des essayeurs de lingots et des actionnaires de mines d'or. J'en suis bien fâché pour les incrédules, mais, désormais, le fait est accompli. Il n'y a plus à dire « mon bel ami » non seulement on fait couramment, en Amérique, de l'or authentique en toc -il s'est même fondé tout exprès pour exploiter l'invention un puissant syndicat (encore!) qui a pris le nom (je dirai tout à l'heure pourquoi) de the Argentaurum Company mais cet or est reçu, au même titre que l'or naturel et natif, à la Monnaie de New-York, dont le bureau d'essai vient justement d'en acheter, au prix de 889 dollars, le treizième lingot, pesant (je précise) 821 grammes....