Extrait du journal

C'est aux environs de Coursan, dans le Bas-Languedoc, par une journée accablante de septembre où le soleil vous aveugle, vous brûle jusqu'aux moelles, vous annihile, vous enveloppe comme une grande vague de feu. Le ciel, d'un bleu dur de lazulite, s'approfondit éblouissant, immuable, sans un nuage, semble une immense coupole de lumière. Vous croiriez, A voir la poussière qui s'accumule entre les tas de cailloux, qui comble les fossés, qui couvre les ta-; 'lus, qui blanchit les haies,' les arbres, îles treilles, que des rafales de. neige'se sont, abattues sur la route et sur les chemins. Elle s'envole- par tourbillons, imprégnée de lumière, irisée et dorée. Elle .voile lMxorizoh ainsi que de légers ljambrables essaims de moucherons rouget '"?.t dë fourmis ailées qui palpitent dans l'air épaïs. Elle sent le raisin mûr et le vin nouveau. Les lourds souliers cloutés des vendangeurs.qui s'en vont, par trou,p.e<- bruyantes, se louer de domaine en dcmaine, les sabots des mules caparaçonnées de beaux colliers cornus à sonnailles et à miroirs qui traînent en longue et lente procession de lourdes charrettes emplies de barriques, les pieds meurtris des chemineaux qui errent à l'aventure, le ventre creux et la gorge sèchè, les roues -grinçantes des roulottes où s'entasse, avec ses ours et ses singes savants, quelque tribu de gitanes, s'y enfoncent, l'écrasent, la soulèvent,- l'emportent, la dispersent. De droite, de gauche, à perte de vue, ondoient les vignes, de même qu'un golfe pacifique et 'solitaire aux nuances changeantes. De /Cette houle de pampres et de grappes /surgit là-bas, vague, irréelle, rosé, tel un palais de mirage, l'antique cathédrale Vcîe Narbonne....