Extrait du journal

l'ne ville en réparation Paris offre, en ce moment, un spectacle plus extraordinaire que pittoresque. Le terrain y est sens dessus dessous. Il est impossible de faire cinq cents mètres, sans rencontrer un chantier installé, un sol dépavé, une rue barrée. Des lanternes de couleur vous avertissent partout qu'il est inutile d'essayer de passer. Des gouffres s'ouvrent de toutes parts, et montrent le sous-sol noir tout saturé 'de, gaz. L'Arc de Triompftë a l'air d'une forteresse qu'on prépare- pour soutenir un siège, et dont on approfondit les fossés. Je me rappelle encore le Paris de la fin de mai 189i, avec ses barricades mal démolies, et son sol soulevé comme par une éruption volcanique. L'aspect actuel de la ville est heureusement moins tragique il n'y a pas de cadavres; les innoinbrables systèmes de locomotion, à l'électricité, à la vapeur, au pétrole, qui menacent les passants assez déshérités pour se servir encore de leurs jambes, comme le père Adam, ne sont pas encore arrivés à être aussi meurtriers qu'une guerre civile. Mais il ,y a quelque rapport entre les, deux.' spectacles, pour le bouleversement du sol des rues et des places. L'Exposition a'assurément sa bonne part dans cet état de choses. Les travaux qu'elle exécute directement occupent un large morceau de la ville. Les lignes métropolitaines, qu'elle a amené à construire, passent sur une partië du reste. Il y ,a déjà longtemps que tes quais de la rive gauche n'existent plus. C'est une longue suite de clôtures en planches et de précipices alpestres. Les passants défilent comme ils peuvent, à la queue léu [eu, dans les couloirs étranglés qu'on a bien voulu leur laisser. Ces pauvres quais, dont la physionomie était un des traits tes plus curieux de la vie Paris, avec leurs vitrines remplies d'estampes et de tableaux d'un côté, et leurs étalages de« bouquinistes», de l'autre TCe que deviennent les négociants qui vivaient de l'ancien état de choses, je ne le cherche pas ta gare du quai d'Orsay doit leur, coûter cher. Quoi qu'il en soit, il y & là des circonstances de force majeure, amenées par une vaste entreprise, et dont il est juste de tenir compte. bondance de réparations est un des caraetères'permanents de l'aspect de Paris. On croirait même, quand on habite la capitale, qu'une grande ville ne peut éviter ce désagrément, si, à notre époque de transports perfectionnés, on n'avait fréquemment l'occasion de voir les autres cités, soit de la France, soit de l'Europe. Mais, pour peu qu'on ait voyagé, ce qui aujourd'hui arrive à tout le monde, on s'aperçoit que le fait de voir, la plupart du temps, une bonne partie des rues barrées et du sol défoncé, est un privilège peu enviable des Parisiens. Il semble, à première vue, que toutes les autres villes qu monde trouvent le moyen de s'entretenir en bon état, sans avoir ce nombre infini de chantiers ouverts....