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Le Matin, 9 avril 1901

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Le Matin
9 avril 1901


Extrait du journal

J'aurais aimé me rendre à Toulon, non pour assister aux fête,s:officielle's; banquets, réceptions et discours, dont j'ai l'horreur, mais pour être là au moment de l'arrivée des escadres. Je ne sais guère, en effet, de plus beau spectacle que celui de l'évolution d'une flotte. Peur, donner à ce spectacle toute sa beauté, nul endroit au monde, sice n'est peut-être la baie de Naples, n'est mieux disposé que Toulon. La profondeur de la rade, l'absence de marée permettent. aux navires de grand tirant d'eau-de s'approcher de la cote. Le profil dès montagnes qui entourent la cité, resserrée elle-même dans son corset.de murailles, est admirable. Le ciel* presque toujours, est pur, faisant les eaux azurées sous une éclatante lumière. La nature n'y semble pas hostile au génie de. l'homme, et, par une belle mer, lui permet de se montrer en sa force imposante.. ̃ Toulon est une ville formidable, pleine de souvenirs tragiques, et qui apparaît cependant pleine de grâce et d'un tranquille repos. 'Peu de villes ont été ravagées à un'égal degré par la guerre et par les discordes civiles. Toulon a peutêtre été assiégé une dizaine de fois. En plein seizième siècle, les Sarrasins le pillèrent encore ce fut leur dernier Vës:ploit snr-les côtes de Prov.énee. Tôut le .monde, connaît la légendaire histoire de- Bonaparte, installant et commandant, avec le sergent Junot, futur duc d'^brantès, la batterie des « hommes à quitter la ville que la trahison leur avait livrée. La Révolution et la contreRévolution v firent couler; le sang des vieux marins qui s'y sont retirés jen nombre! L'hiver, par ,1c beau soleil, l'été, à l'heure où souftlé la brise de mer, légère et fraîçlie, vous voyez, le long des quais, passer et repasser devant les belles cariatides de Puget, à THôlel d« ville ces cariatides où l'imagination de Michelet a vu l'expression de laddu:lè&rd« la France une foule. dèiyieux Il§ fumant leUrs pipes de terre rouge, emmanchées d'un roseau, regardent jouer les enfants, s'amusent à voir débarquer les aspirants qui, lestes,, sautent à terre et courent a leurs plaisirs, graves, lassés, les yeux au loin, échangeant entre eux quelques paroles banales sur la pluie et le beau ¡temps. Ces vieux bonshommes sont des .retraites, dont chacun a fait trois-ou quatre fois le tour du monde. Ils en ont vu déboutes les couleurs naufrages, bombardements, débarquements et batailles. Ils ont fait, comme on dit, les cent coups. Ils se sont battus avec des hommes de toutes les races,- ils ont aimé des femmes noires, jaunes et bleues, comme disait don César. S'ils se balancent en marchant; les jambes ouvertes, c'est que, pendant trente ou quarante ans, ils ont vécu sur le pont mouvant des navires..11. n'est pas de gens meilleurs et plus doux. Hommes, ils ont bravé' la mort; vieillards, ils l'attendent en souriant et en'donnantdes conseils aux enfants qui font des bateaux avec de vieux sabots. Telle est la ville. Pleine de sou.vènirs de guerre, elle est d'une grâce calme et riante. Les places ont toutes 'leurs fontaines aux eaux chantantes, leur ceinture de platanes, où les moineaux nichent par milliers. Tout autour de la rade, ce sont des villas cuites au soleil,- avec leurs jardins d'arbres grêles, leurs parfums subtils, comme ce Tama,ris où vécut Géorge Sand et qu'elle a 'chanté. J'y ai passé des heures divines. Je ne comprends pas du tout nos voyageurs et nos touristes oisifs. Quand à la saison mauvaise ils émigrent vers le Midi, ils vont d'un coup et d'un bond 'jusqu'à Cannes ouà Nice. Ce sont, je le 'sais, d'agréables séjours disposés pour que l'étranger y trouve du confort et des 'distractions. Mais pourquoi brûler lés ,étàpes? Pourquoi, surtout, ne pas s'ar̃rêter à ces deux villes délicieuses, de façons diverses, Arles et Toulon ? Toute .l'histoire et toute la poésie de la Provence se, retrouvent à Arles toute l'histoire et toute la poésie de la mer française sont à Toulon. Ce sont, à mes yeux.des façons de villes saintes. Il est vrai, que, pour moi, aux joies de la nature, au spectacle des ruines du passé ou de la puissante activité du présente se joignent les souvenirs de ma jeunesse aventureuse, en ces pays où les belles filles de sang grec ou sarrasin portent des noms sonores de Romaines. Le président de la République verra ûne fort belle chosé l'arrivée des escadres. Mais il reviendra sans avoir vu 'Toulon. Car il ne lui sera pas permis par l'étiquette de se promener seul par les rues, soit au grand soleil, soit, surtout, par une nuit de claire lune. Il faut aller,Jalors, dans le quartier mal famé qui s'étend le long des remparts, se mêler aux matelots en bordée.' Le paysage de ville, tout d'abord, est admirable. Les murs des hautes maisons donnent l'impression de myst<3rieu.xpalai3, ;où se célèbrent les fêtes de la Vénus populaire. De nombreux jardins s'enferment de blanches charmilles, par-aessus lesquelles on voit -s'étaler là feuille des...

À propos

Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le Morning News, Le Matin se revendiquait être un journal novateur, « à l’américaine ». Son directeur Alfred Edwards entendait donner « priorité à la nouvelle sur l’éditorial, à l’écho sur la chronique, au reportage sur le commentaire ».

 
 
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