Extrait du journal

Mme Stoltz, remise de sa dernière indisposition, vient enfin d'aborder le rôle de Fidès sur la scène de l'Opéra; elle l'avait déjà joué avec un grand succès en Italie, mais je soupçonné que ses souvenirs l'auront cette fois plus gênée que servie, car là-bas les fioritures sont une monnaie courante dont on ne veut plus ici ; si bien que pour garder le respect du texte et chanter la note telle que le compositeur l'a écrite, la cantatrice a dû désapprendre surtout les endroits qui faisaient fanatisme et avaient particulièrement le privilège d'exciter le brouhaha. C'est d'ailleurs un travail que Mme Stoltz, il faut le reconnaître, a su accomplir avec autant de résolution que de bonheur, et tous les vrais dilettantes lui en sauront gré. Au reste, la partie de Fidès n'est pas tant dénuée de gorghetti qu'elle en a l'air; et, dans le duo du troisième acte, comme dans la cavatine du quatrième, il en reste encore bien assez pour faire briller le coup de gosier de la cantatrice ; mais le sens réel, la véritable beauté du rôle résident principalement dans le style, le sentiment, l'expression. Or, comme Mme Stoltz nous a toujours semblé une grande artiste par ces côtés beaucoup plutôt que par les autres, nous n'avons été aucunement surpris de la voir-s'identifier si parfaitement au personnage et en traduire avec une si haute puissance les sensations, et pour ainsi dire la vie....