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Le Midi socialiste, 11 janvier 1939

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Le Midi socialiste
11 janvier 1939


Extrait du journal

Le traité superflu OUS la signature « d'un rédacteur diplomatique » un journal Sanglais à grand tirage, le « Daily Express » a affirmé, hier matin, qu’une alliance secrète a été conclue « au printemps de 1987 » entre l’Allemagne et l’Italie. On trouvera ci-dessous la transcription en neuf points que le « Daily Express » donne des dispositions de cette alliance. En bref, les deux puissances de l’Axe se seraient promis assistance au cas où l'une d’entre elles serait victime d’une agression non provoquée. Au cas où l’agression ne serait le fait que d’un seul pays, celle des puissances de l’Axe qui en serait l’objet n’aurait qu’à solliciter l’autre pour obtenir son entier appui militaire. Au cas où l’agression serait le fait de deux ou de plus de deux pays, l’assistance n’aurait même pas à être sol licitée, le partenaire de la victime devant automatiquement et Immédiatement se considérer comme en état de guerre avec les Etats agresseurs. Par une disposition extrêmement précise, les deux signatai res auraient convenu que « si l’un d’entre eux obtenait, avec l’assistance de l’autre, telle satisfaction à ses demandes qu'il en résulte un accroissement de son territoire, ou de son Influence, l'autre serait en droit de réclamer une égale assistance pour obtenir un accroissement correspondant de son territoire, ou de son influence ». Le « Daily Express » ajoutait que les conventions militaires destinées à assurer la mise en œuvre de l’assistance mutuelle prévue par cette « alliance secrète » auraient été signées peu avant la crise tchécoslovaque. On devine le choc ressenti, à la lecture de ces « révélations » sensationnelles, par les quelque deux millions de lecteurs du «c Daily Express », sans compter les millions de braves gens qui, aux quatre coins du monde, en ont vu la reproduction dans leur journal du soir. Disons donc tout de suite que, pour notre part, nous croyons jusqu'à plus ample informé, à une pure et simple mystification. La publication de ce « document secret » tombe vraiment trop à point pour ne pas éveiller le plus total scepticisme. Le texte même qu’a imprimé le « Daily Express » est vraiment trop parfaitement adapté à la situation de l’Europe après Munich pour qu’on n'ait pas l’impression du faux le plus classique. Au reste, si fins limiers que soient les rédacteurs du grand journal britannique, il faudrait qu’ils fussent tout de même très forts pour avoir d’un seul coup appris l’existence de ce traité et obtenu communication de son texte ultra-secret. Aussi, pour nous, ne peut-il s’agir que d’une Imposture, et d’une imposture assez grossière, dont a été victime le populaire journal anglais. Mais ce qui ne manque pas d’ètre troublant, c’est que cette Imposture se soit produite exactement à la veille du départ de >1. Chamberlain pour Home. Quel devait, en effet, être l’effet normal d’une telle publication sur le public anglais et français T La réponse n’est pas douteuse. En apprenant qu'un traité mili taire secret liait Home et Berlin, en apprenant qu’une clause de ce traité oblige l’Allemagne, parce qu’elle s’est augmentée* des cantons sudètes, d’aider l’Italie à s’accroître de quelques lam beaux de la Somalie française ou de la Tunisie, le Français et l’Anglais « moyens » devaient se dire que décidément la guerre était inévitable si la France ne s’inclinait pas devant les préten tions de Rome; ils devaient se dire que, dans ces conditions autant valait céder pour éviter la catastrophe; et l’ardeur avec laquelle ils engagent leur gouvernement respectif à tenir bon devait en être tempérée d'autant. C’est dire que la publication du prétendu traité secret entre Home et Berlin tombait à point nommé pour concourir à l’effet que recherche la diplomatie de l’Axe, et qui est d’affoler l’opinion française et l'opinion anglaise au moment où M. Chamberlain part pour Rome et de les déter miner d'avance à accepter et même à souhaiter n’importe quelles concessions. La propagande italo-allemande, si c’est bien à elle que nous devons la « bombe » du « Daily Express » aura cependant, cette fols, dépassé son but. En voulant trop bien faire, elle a eu la main un peu plus lourde que dans l'affaire tchécoslovaque. Le fameux article du « Times » accréditant, en plein congrès de Nuremberg, l’idée de l'auto-détermination pour les cantons sudè tes, était bien plus ingénieusement calculé pour faire des rava ges en Angleterre et en France. Mais on doute que le même résultat soit obtenu aujourd’hui par le « coup », un peu trop grossier, du traité secret. Un autre péril est cependant à redouter après la publication sensationnelle du « Daily Express ». Un péril inverse, pourraiton dire. C’est qu’après s'être gaussées du prétendu traité secret dont la révélation leur a été ainsi offerte, la France et l'Angle terre en viennent à s’imaginer que tout ce qu'on a pu, ou tout ce qu’on pourra leur dire sur l’absolue solidarité des deux puis sances de l’Axe n’est que pure invention. Le danger est qu'ainsi elles s'endorment dans un optimi-me trompeur, pour s’abandon ner à la peur et tout lâcher le jour où elles constateront que Berlin est bien aux côtés de Rome. Ne nous lassons donc pas de le répéter. L’Allemagne n’a pas besoin de traité pour appuyer de toutes ses forces l’Italie dans sa manœuvre d’intimidation contre la France. La loi de l’Axe y contraint Hitler. La nécessité de garder en mains son allié aussi. Et pareillement l’intérêt criant qu’il a à affaiblir par tous les moyens la France. L'Allemagne et l'Italie n’ont pas pins besoin d’un traité secret pour assurer éventuellement leur action militaire com mune. Des conversations d'états-majors suffisent d’ordinaire à pourvoir à ce genre de choses. Et l'on peut être sûr que les deux dictateurs n’ont pas manqué de prendre cette précaution. A tous ces égards même si le traité inventé hier par le « Daily Express » était vrai, il n’ajouterait donc rien à ce qu’on sait déjà ou à ce qu’on devine. Dans la mesure même où les auteurs de ce faux ont eu la candeur de n'y envisager l’assistance mutuelle qu'en cas d’ « agression non provoquée » contre l'un des cosignataires, ils ont passé à côté de la réalité. Car personne ne songe à atta quer ni Rome ni Berlin. Ce sont Rome et Berlin qui revendiquent et qui menacentConcluons donc. Le traité publié hier est sans doute un faux traité. Mais 11 est surtout un traité superflu. L’Axe en effet se suffit à lui-même. Ce ne sont pas des textes, des conventions ou des protocoles qui le mettront en action, qui provoqueront son recul ou qui l’ar rêteront à la limite de l'intimidation. La borne de son jeu ne peut se trouver que dans la crainte d'une résistance supérieure à sa force. Le « Daily Express » a donc bien perdu son argent s'il a payé très cher le texte qu’il a publié hier. PIERRE BROSSOLETTE....

À propos

Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.

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