Extrait du journal
Le printemps avait rcioulé l'hiver et ses frimas ; partout, les bourgeons nouveaux frissonnaient aux branches ; une herb.e plus verte couvrait les vallées. Au ciel pâle, les oiseaux migrateurs s'en reve naient à tire-il aile. Les Vosges coiffées de neige gardaient encore leur éclatante parure hivernale que voilait par instants une bruine laiteuse. La nature se préparait ainsi à la fête de Pâques. Un était au Samedi Saint ; de puis deux jours, dans tout le monde chré tien, les cloches se taisaient, recueillies, attendant pour chanter à pleine volée, la Résurrection du Christ. Depuis quarante quatre ans, l'Alsace prisonnière, l'Alsace foulée aux pieds, qui attendait sa délivrance, commençait à respirer elle aussi. Les Français se bat taient à présent dans les Vosges ; sous leur irrésistible poussée, les Allemands reculaient sans cesse, disputant pied à pied le terrain qui se dérobait sous leurs pas ; et, dans l'air transparent, passaient des rafales d'obus qui apportaient aux provinces annexées, la chanson de la revanche. Au petit village de S..., blotti entre les sapins, on écoutait, le cœur battant, les échos de la lutte. Enfin, les ennemis se dé bandèrent et disparurent au loin, ce jourlà, comme de sinistres oiseaux de proie. Dans la campagne dévastée, les morts, les blessés jonchaient lu terre nue, et, parmi eux, Fritz Spidler, enfant des Vos ges et de l'Alsace, blessé gravement, gisait sans force. Il avait posé lui-même ses premiers pansements, arrêtant ainsi l'hémorragie, et maintenant il attendait... c’était un so lide et vigoureux montagnard. Alsacien de race, ainsi que le révélaient son masque étroit, les traits secs, terminés par une fine moustache blonde. Ses yeux d'un bleu gris, couleur de brouillard, étaient remplis de rêve ; ils voyaient l'Alsace dé livrée de l'oppression allemande, l'Alsace Française désormais. Pourtant, un souvenir pesant trouble sa joie : c’est un Samedi Saint comme celui-ci : s ni père, vétéran de 70, est là, sur son lit de mort, sa voix tremble : «c Fritz v tu vengeras -> l'armée ! et quand « luira le grand jour. tu reviendras sur v ma ton be crier : « Père, lu es vengé ! « rAlsac - est délivrée ! » : puis, ce drapeau
À propos
Fondé en 1901 dans le sillage du très monarchiste Nouvelliste de Lyon, Le Nouvelliste de Bretagne se donne comme première mission de concurrencer le républicain L'Ouest-Éclair. Racheté en 1905 par la société La Presse Régionale – dont Jules Dassonville est le directeur –, le journal se recentre alors sur une cause moins vouée à l'échec, le catholicisme. La direction du journal est reprise par son rédacteur en chef Eugène Delahaye dans le courant de l'année 1913.
