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Le Petit Journal, 4 septembre 1887

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Le Petit Journal
4 septembre 1887


Extrait du journal

Trois têtes de tribuns ouvriers que domine L'énorme Marianne en .plâtre, aux blancs regards, Triomphante parmi les rouges étendards. a côté d'eux, parlant d'une voix lente et grasse, L'orateur est debout près d'une contrebasse. Remarquons en passant que le poète, s'il reste fidèle à la rime qu'il soigne, [)rend de plus en plus des licences avec a césure ; nombre de ses vers ont des dislocations qui les transforment en li gnes de prose. • L'orateurnous a été présenté, écoutons : Que disait-il 7 Avec son accent faubourien, Il disait que les uns ont tout, les autres rien, Qu'on n'en a pas fini de l'antique esclavage, Que c'est à regretter presque l'état sauvage, Oùle chef, le premier auxguerres, comme aux jeux, Est du moins le plus fort et le plus courageux. Il montrait, dans sa simple et cruelle logique, Le. peuple condamné par un destin tragique, Les inégalités debout comme autrefois, La dureté des mœurs plus fortes que les lois, Le richard ayant chaud près du pauvre qui gèle, Et l'injustice à tous les degrés de l'échelle. Il dénonçait, fermant son poing de révolté Et scandant quelquefois son discoùrs irrité Du profond geignement de la bête qui souffre, " L'éternelle misère élargissant son gouffre, Le tribut, qu'elle paye et voit toujours grossir, De la chair à canon, de la chair à plaisir, L'engrenage d'acier qui dévore et qui tue Ceux que l'on fait soldats, celles tgu'on-prostitue, Tout effort écrasé par le lourd capital, La vie horrible avec la mort à l'hôpital, Enfin l'affreux tableau de la détresse humaine Grossie au microscope effrayant de- la haine. Allait-on se fâcher pour de bon, cette fois, Et demander son tour, et redresser l'échiné? Un coup de dynamite à la vieille machine I On peut vaincre, à présent, — onen aies moyens,— Tout briser, tout' détruire... Aux armes, citoyens !... *** Quand on aura tout détruit, quand on aura fait table rase, quel sera le nouveau régime social ? D'après M. François Coppée, le même orateur qui venait de vociférer s'était complu à célébrer l'égalité de tous les citoyens dans une sorte de phalanstère où chacun aurait tout à souhait : Repos, sommeil, amour, tout au son de la cloche, Que sais-je I L'idéal enfin qu'imaginait Ce.furieux, soudain redevenu benêt, C'était de ployer, tout, cités, hameaux, campagnel Hommes, femmes, enfants, sous le niveau du bagne. Le poète sortit « levant l'épaule de pi- : tié » et reprit sa promenade ; il fut attiré dans une église où l'on célébrait le mois de Marie ; tout l'y charme, mais, au con traire du club, cette église était presque vide. La similitude va se produire : Tout à coup dans la chaire un vieux prêtre appanit Et prêcha. Son sermon était simple et tout brut": Le ton d'un paysan, et la foi d'un apôtre. Que disait-il ? Hélas 1 à peu près comme l'autre, Il disait rudement que le siècle est mauvais, Que nos efforts sont nuls, nos travaux imparfaits, Que l'homme voit toujours s'écrouler ce qu'il fonde, Que le mal et l'erreur sont puissants en ce monde, Que nos rares espoirs sont aussitôt flétris, Qu'ici-bas nous vivons ainsi que des proscrits Dans les soucis,dans les douleurs, dans les alarmes. Et pourquoi cet exil de chagrins et de larmes? Pour l'antique péché de parents inconnus. Mais la mort délivrait? Non pas. Aux seuls élus Le prêtre promettait, la figuré éblouie, Un lointain paradis dont le nom seul ennuie. Quant aux autres, le Dieu d'amour et de bonté, Pour une faute unique a jamais irrité, Leur gardait, «ans pitié des faiblesses humaines, L'insigne et monstrueuse éternité des peines, On ne sait quel absurde et ridicule enfer. Mais, en se soumettant à- cette loi de fer, Pour se présenter pur à la fin de la route, Suffit-il de prier, de se soustraire au doute, D'accomplir saintement les. devoirs du chrétien, D'aimer autrui, de dire et de faire le bien...

À propos

Fondé en 1863 par Moïse Polydore Millaud, Le Petit Journal était un quotidien parisien républicain et conservateur parmi les plus populaires sous la troisième République. Le journal jouit vite d’un succès commercial sans précédent, renforcé par la publication de divers suppléments, parmi lesquels son célèbre « supplément du dimanche » ou encore Le Petit Journal illustré. La publication s’achève à l’orée de l’année 1944.

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