Extrait du journal

forces, jetait "sur le dos de l'animal une épaisse couverture de laine et. l'emmenait dans les allées du jurdin exposées au Midi. Elle mar chait à côté de l'âne tête contre tête, et, comme pour le distraire, lui contait ses ennuis, ses rêves, ses projets de belles promenades, quand le printemps serait revenu... Elle lui affirmait gravement qu'elle le soignerait si bien qu'elle le guérirait de son rhume; que d'ailleurs le retour de la belle saison suffirait seul à lui rendre bon appétit et bonne santé, et qu'alors ils feraient ensemble de joyeuses parties de campagne. Comme pour le mettre en train, elle Bondissait en avant-de lui el essayait de l'entraîner à une course à travers les allées. Par un reste d'habitude Pierrot ébauchait quelques courtes gambades, puis s'arrêtait essoufflé et toussait; illa regardait alors d'un air navré, secouait lentement ses oreilles, et baissait la tête comme gour dire : « Ce n'est » pas ma faute, moi, tu. vois biea que je n'en » puis plus!,.. » Bientôt il fut incapable de quitter son écu rie. Dès qu'il tentait de marcher, ses jarrets tremblaient et une toux plus rauque semblait lui déchirer la poitrine. Son poil était devenu terne, sa maigreur faisait pitié, ses yeux se voilaient et le jardinier qui était chargé de le 60igner avoua brutalement à Germaine que « sauf son respect, le pauvre roussin était fichu...» _ En effet, le lendemain matin, quand la pe tite Roche entra dans l'écurie^ elle trouva Pierrot couché piteusement sur la litière. Au son de la voix ae son amie, le baudet mori bond tourna encore la tête et fit un effort pour se relever, mais un grand frisson agita son échine décharnée; il poussa un braiement rauque et profond, quasi-humain, une sorte d adieu plaintif, puis ses jarrets, se raidirent, ses paupières battirent, sa tête retomba dans...