Extrait du journal

\LE SURMENAGE < On parle beaucoup de surmenage à cette heure. Il y a bien un peu d'exagération dans lès plaintes que font entendre- quelques-uns de ceux qui se disent surmenés. Je pense à nos collégiens; ces gaillards-ià vont criant partout qu'on les accable de besogne. Il raë paraît qu'ils ressemblent au sous-lieutenant de la chanson "qui, tout accablé de besogne fu'il était, s'en allait se promener au bois de ioulogne. Il est très vrai pourtant que nous travaillons plus que" ne faisaient nos pères et surtout nos aïeux. Ce n'est pas assez dire que nous travaillons plus ; nous travaillons avec plus fie lièvre; nous avons toujours, sinon les mains, au moins l'esprit en mouvement ; nous sommes incessamment poursuivis et fouettés par l'ambition de monter vite plus haut, ou de gagner beaucoup d'argent dans le moins de temps possible. Nous n'avons plus le loisir de prendre haleine. Les ouvriers s'imaginent qu'ils sont les Beuls sur qui pèse cette effroyable nécessité du travail intense et continu, qui semble être une des caractéristiques de la vie moderne, dans notre civilisation. Je pourrais leur dire qu'il en va de même dans une foule de pro fessions dites libérales. ; ■ *** ' Je causais hier avec un do- nos comédiens Jes plus goûtés : — Monsieur, me disait-il, la vie que nous tnenohs est tuante, èt je ne sais pas comment nous y résistons. Que de jours dans l'année Où'nous arrivons au théâtre à onze heures et demie pour les répétitions de pièces en prépa ration I Nous y restons jusqu à cinq heures et demie, et quelquefois jusqu'à six. Et quel travail que celui-là! Vous le connais, sez 1 Vous savez comme il est pénible d'at tendre, dans cette obscurité, gelé de froid le plus souvent, son tour d'entrer en scène, de recommencer vingt fois la même phrase, de subir les observations de l'auteur ou du ré gisseur et parfois même les réprimandes du directeur, qui n'est pas toujours poli. On sort delà épuisé, énervé. C'est à peine Si l'on a le temps de rentrer vite à la maison, et de dîner en mettant les morceaux doubles. Il faut revenir au théâtre, à temps pour la représentation du soir. Elle ne commence plus guère à présent qu'à huit heures et demie; mais il faut compter une heure pour se ma quiller, s'habiller et jeter un coup d'œil sur «on rôle, afin de s'en rafraîchir la mémoire. Nous ne sommes libres de remonter dans ; ' notre loge qu'à minuit. Prenez vingt minutes pour s'enleVer le rouge des joues et revêtir ses habits d'honnête homme, on n'est qu'à une heure du matin au plus tôt chez soi. Et le lendemain, il faut se lever d'assez bonne heure pour piocher son rôle; il faut tr.ouver le temps d'aller chez le costumier, de faire des Visitas aux écrivains. Il m'arrive le soir de tomber dans mon lit tomme une masse, n'en pouvant plus. Nous n'avons plus même nos dimanches à cette heure. C'était une règle autrefois dans les théâtres qu'il n'y eût pas de répétition le dimanche. Nous, partions le matin pour faire en la belle saison un tour de campagne, ou l'hiver nous demeurions à la chambre, pro longeant le déjeuner avec nos amis. Voilà que le dimanche est devenu le plus occupé, le plus. terrible de nos jours. Nous avons double représentation. La première de deux heures à . six, la seconde de huit à _^__JSkmit^ Nous redisons deux fois d'un bout à...