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Le Petit Marseillais, 4 janvier 1888

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Le Petit Marseillais
4 janvier 1888


Extrait du journal

C’estLaBruvère qui l’a dit:« Comme il est facile à un grand de se concilier tous les cœurs! Le moindre mot aimable lui compte plus qu’à un pauvre diable les grands ser vices qu’il a pu rendre ! » Ce n’est pas précisément le texte du moraliste ; c’est le sens tout au moins de la pensée ; et nous pouvons tous les jours, même en notre démocratie, éprouver combien elle est juste. Voilà pour le moment le président de la République populaire à Paris. Qu’a-t-il fait pour empaumer si vite la faveur publique ? Oh ! mon Dieu ! rien que de bien simple ; mais encore fallait-il y penser. Il est allé de sa personne visiter deux hôpitaux, celui de la Salpétrière et celui du Val-de-Grâce, et il a trouvé de bonnes et aimables paro les à dire aux malades et au personnel de rétablissement. Je ne veux pas faire plus de bruit qu’il ne faut pour cette démarche, qui est la plus naturelle du monde, qui est dans les habitudes des souverains de tous les pays. Mais, enfin, tout le monde a remarqué que M. Grévy ne s’était jamais dérangé pour rien de semblable, et l’on a eu comme un soupir de soulagement quand on a vu que M. Carnot renouait ainsi la tradition îles chefs d’empires ou de républiques. On commence à parier des voyages que M. le président de la République se pro pose d’entreprendre en province ; on est enchanté qu’il s’avise ainsi de montrer à la France le représentant du pouvoir exé cutif, qui se confinait depuis tant d’années à l’Elysée. Je suis sûr que si M. Carnot ouvre les salons de la présidence et donne des bals, de vrais bals, où il faudra étaler de belles épaules et arborer ses diamants, il y aura dans tout Paris une explosion de reconnaissance et de joie. Nous ne sommes pas accoutumés à voir le souverain de meurer chez lui, en famille, jouant au billard ou au domino. Nous voulons que le chef de l’Etat, s'il lui est interdit de gou verner, soit tout au moins une belle et .éclatante décoration au pays. Il semble que M. Carnot ait compris cette vérité, et déjà nous lui en savons tous gré à Paris. Au reste, il a été heu reux dans ces deux visites. Le hasard—un hasard qu’il n'a pas cher ché — faisait que des deux hôpitaux où il s’est rendu, l’un est desservi par des sœurs, l'autre par des infirmières laïques. Il faut bien le dire : ces deux hôpitaux Font admirablement tenus, et dans l’un comme dans l’autre les soins sont donnés aux malades avec un dévouement égal : l'honneur professionnel y fait des mer veilles de charité tout aussi bien que la foi en Dieu. M. le président de la République a dé cerné deux croix d’honneur, l'une donnée à la plus ancienne des congréganistes, l’autre à la plus vieille des infirmières laïques; toutes les deux avaient mérité cet honneur par une longue pratique du dévouement, pour des services de toutes les heures rendus avec un zèle infatigable aux malades de leur établissement. M. le président de la République nous a donné là, à nous tous, un bel exemple de tolérance, et je souhaiterais que toute la France en fit son profit. Nous sommes di visés par d’absurdes haines théologiques, et la nation française se partage en deux camps ennemis. Qu’y a-t-il entre nous fia différence de dogme ? hélas!. non; combien cle prétendus croyants n’y croient guère ; et parmi les incrédules, combien yen a-t-il y qui il est indifférent ? Non* ce qui nous sépare, ce qui met Entre nous une défiance irréconciliable,...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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