Extrait du journal

La question des alcools, au point de vue des resssources qu’ils peuvent procurer au Trésor, est une de celles qui préoccu pent le plus vivement le gouvernement. Aussi de toutes parts des combinaisons plus ou moins ingénieuses surgissent-elles en vue d’accroître le profit qu'en retire l'Etat.sans accroître cependant, d’une façon exagérée, les charges des contribuables. On sait aussi que le meilleur moyen d’aug menter le rendement de l’impôt sur les boissons serait incontestablement de di minuer la fraude ; malheureusement la répression de celle-ciin’est pas chose aussi simple qu’on le croit, même en faisant cesser les complaisances de l’administra tion envers certains fraudeurs. M. Delizy, dont la compétence est connue de tous les spécialistes, propose aujour d’hui de taxer les vins, non d’après la quantité ou le volume, mais d’après la force alcoolique. Ce serait un moyen, sinon de supprimer la fraude, du moins de l’atténuer considérablement. Ainsi la consommation du vin en France est de 46 à 48 millions d’hectolitres, selon l’état des récoltes; mais le Trésor ne touche les droits que sur 27 millions d’hec tolitres ; il y a donc 20 millions d'hectoli tres qui échappent à l’impôt, ce qui, à 5 francs de droit par hectolitre, représente une somme ronde de 100 millions perdue pour le Trésor. Or, avec la taxe actuelle au volume, le service de la régie ne peut suivre le compte chez les marchands de vins en gros. Ceux-ci font venir des vins à 15 de grés, ils en livrent une partie en fraude et qu’ils remplacent par de l’eau, et ils ont toujours leur compte en magasin ; la régie ne peut rien à cela : que le vin en magasin soit à 8,10 ou 15 degrés, c’est toujours du vin. Avec la taxe sur la forcé alcoolique, il n’en serait plus de même, car les comptes chez les marchands en gros seraient tenus au degré. Supposons, par exemple, qu’un entrepositaire ait un magasin : 100 hect. de vin à 6 de grés, loo à 8, loo à îo et 100 à 15; cela fera en bloc 400 hect. de vin contenant 39 hect. d'alcool de vin. Ce sont ces 39 hect. d’alcool qui seront taxés. De cette façon, dit M. Delizy,toute fraude deviendra impossible ; la garantie pour le ser vice de la régie, c’est la charge d’alcool que ce marchand en gros sera tenu de représenter par des sorties ou par des restes en magasin, tandis qu’avec la taxe au volume, sur ces 400 hectolitres, on en vend 100 en fraude et l’on remplace par de l’eau. On pourra objecter qu’avec ce mode de taxation, le vin de Narbonne, qui a quel quefois 15 degrés, paiera plus de droits que les grands vins de Bourgogne et de Bordeaux. Mais on peut répondre que les gros vins du Midi ne sont jamais livrés purs à la consommation. Ils sont employés dans les proportions de 5 à 15 p. luu avec les petits vins du Centre et de l'Est.Ces vins mélangés dans les coupages ne paieraient donc pas plus de droits que les autres. On pourrait dire aussi que les vins de grands crus ne paieraient pas plus que les autres, mais c’est déjà ce qui existe, et d’ailleurs ces grands vins n'entrent dans la consommation de la France que pour 1 à 2 p. 10J. il est évident qu'avec cette manière de taxer les vins, les 20 millions d’hectolitres qui ne payent pas de droits ne seraient pas tous taxés, car, dans les vignobles surtout, la fraude sera toujours facile; mais on fieut bien espérer taxer 12 millions d’hectoitres qui échappent actuellement à l’impôt, ce qui, à 5 francs l’hectolitre, ferait encore 60 millions enlevés à la fraude; et cepen...