Extrait du journal

Paris, S avril. Il faut croire que les divers essais auxquels s’est livré l’ennemi ne lui ont point donné de satisfaction, puisqu’il change une fois encore son système. La semaine dernière, il fonçait à la fois sur nos deux ailes ; le voici mainte nant qui revient aux attaques séparées et qu’abandonnant momentanément le secteur oriental, il s’en prend à l’autre, au moins jusqu'à nouveau changement. Ayant, dans la nuit de mercredi à jeudi, tâté nos positions entre Béthin court et la cote 265, il a pu pénétrer dans quelques-un°s de nos tranchées de première ligne, reconquises par nous en grande partie depuis. Le lendemain, il lançait, après un bombardement très énergique, ses co lonnes d’assaut à peu près dans la même direction, mais en débouchant, cette fois, de nouveau d’Haucourt ; arrêté par nos feux, il a été obligé de battre en retraite, en jonchant le terrain de ses morts. Revenu à la charge, il a pu s’implanter dans deux petits ouvra ges avancés. Ces opérations successives ne parais sent pas améliorer ses affaires beaucoup plus que les opérations simultanées, et lui-même en fait l’aveu implicité dans des radios dont les termes sont singu lièrement embrouillés. Passons maintenant à une affaire d’ordre différent. La Chambre, hier, a enterré avec honneur le projet de loi abaissant les limites d’àge des officiers généraux. Je veux dire qu’elle l’a ren voyé à la commission. C’était la seule solution à prendre, car, comme Va par faitement dit M. Galli, « il n’y a point de lois nouvelles à faire .sur l’avancament pendant la guerre ; au contraire, il faudrait suspendre toutes celles qui régissent la question ». Réglementer les limites d'âge est af faire du temps de paix, parce que, sans statut positif, on verserait forcément dans le favoritisme et l’arbitraire. Mais quand le canon parle, il devient à la fois puéril et dangereux de changer ce statut. Puéril, parce que, modifiée ou non, la loi est inapplicable. Dangereux, parce que, si l’on se condamnait quand même à lui obéir, on courrait le risque d’enlever au pays des serviteurs peutêtre irremplaçables. La vigueur physique et intellectuelle d’un homme ne dépend pas toujours strictement du nombre de ses années. Le ministre de la guerre l’a d’ailleurs reconnu lui-même. « J’ai vu, a-t-il dit, la faillite de chefs en qui on avait toute confiance, pour cette seule raison qu’ils étaient jeunes, et j’ai vu des généraux âgés tenir admirablement. » En effet, il importe peu que ces chefs aient les cheveux blancs ou noirs, pourvu qu’ils soient vainqueurs. La guerre actuelle, avec ses moyens de communication perfectionnés, n’exige plus d’eux la même activité physique que quand il leur fallait parcourir de longues distances à, cheval. Au reste, les Allemands n’ont point de ces scrupules. Leurs généraux les plus en vue ont tous largement dépassé la soixantaine, sauf le seul Falkenhayn, qui a 54 ans. Moltke, quand il montait la manœuvre de1 Sedan, en avait 70, et Bazaine, 59 seulement, quand il livrait Metz. La question se résume donc en ceci : Confier les commandements importants à ceux-là seuls qui sont capables de les bien exercer. Le rajeunissement méca nique est un leurre ; il tendrait tout simplement à mettre au rancart un Castelnau et bientôt un Pétain. N’en parlons donc plus. Quant à la discussion de jeudi, il eût assurément été préférable de l’éviter. Elle a remis sur le tapis des questions qui ne gagnent rien à être publique ment traitées, regardent le seul pouvoir exécutif, et sont d’autant plus inoppor tunes que leur évocation à la tribune ne peut comporter aucune sanction. L'-Colonel ROUSSET....