Extrait du journal

Obstacles et embarras cèdent devant l’expression ferme et énergique de leur volonté et ils franchissent la car rière en triomphateurs. ¥ ¥ Louis Bonin était une de ces natu res-là. Dès l’enfance nous nous sommes coudoyées, à la Mutuelle d’abord, puis sur les bancs du collège où,à force de travail il avait conquis une bourse , puis aux cours de la faculté des let tres où nous dûmes nous séparer un instant. Louis me quitta un matin en me serrant la main avec force ; il partait pour la capitale, afin de commencer ses études en chirurgie. Il voulait devenir un praticien utile, j’étais sans crainte sur le résultat. Je connaissais trop mon homme pour ne pas être sûr qu’il arriverait bientôt. Quatre ans s’écoulèrent, pendant lesquels nous n’échangeâmes que de loin en loin quelques affectueuses let tres de souvenir. Un jour, je le rencontrai de nouveau dans les rues de notre ville natale. Il était vêtu de noir et affreusement pâle. — Mon père ! murmura-t-il en se je tant dans mes bras, pendant qu’une larme coulait sur sa joue amaigrie. Je ne le consolai pas de son malheur. Ce sont là de ces. pertes devant les quelles bien banales seraient les plus douces paroles de l’amitié. Je pleurai avec lui, car, moi aussi, je connaissais toutes les tristesses, tou tes les amertumes de son sort. — Ecoute, me dit-il, quand le calme fut un peu revenu, écoute,ami, je n’ai rien de caché pour toi. Mon père est mort, il est mort pauvre, et ils sont à cette heure, six à la maison qui pleu rent et qui n’ont d’autre appui que moi. — Mais ta mère avait quelque for tune, je crois? — Ma mère est une honnête et sain te femme, elle a fait son devoir. Le...