PRÉCÉDENT

Le Petit Marseillais, 14 septembre 1894

SUIVANT

URL invalide

Le Petit Marseillais
14 septembre 1894


Extrait du journal

retrouvé un jugement de tribunal qui, à propos d’un accident matériel qui s’était produit il y a quelques années, innocentait M. Boubey, en déclarant, en toutes lettres, que le travail auquel il était astreint dépassait les limites tolérables ? De ce jugement il ne fut tenu nul compte, cependant. Non, la conscience publique ne s y est pas trompée. La petite note offi cielle de la compagnie était d’une vilaine hypocrisie, et la compagnie porte aujourd’hui le poids de la rédac tion fâcheuse de cette communication. Tout y était étrange, d’ailleurs. Après la nette accusation portée contre M. Boubey, la constatation des morts et des blessés était rapidement expédiée. Par contre, on s’y étendait, d’une façon extraordinaire, mais ne pouvant pour tant attendrir beaucoup, sur les dom mages subis par les vagons. Tous les détails étaient complaisamment donnés sur ces dégâts matériels, infiniment moins intéressants, cependant, que la perte des vies humaines. D’après cette note, ce n’étaient pas les voyageurs réduits en miettes qui étaient à plain dre . c’était la pauvre compagnie, ayant à faire réparer ou à faire reconstruire des voitures hors de service ! Je crois, pour moi, que les adminis trateurs du Nord n’ont pas cette impla cable sécheresse, et qu’il ne faut s’en prendre qu’au fonctionnaire bien mal avisé, qui, avec ses préoccupations de métier, a écrit trop hâtivement des lignes qui devaient légitimement prêter aux plus sévères commentaires. Mais une autre note aurait dû, le lendemain, atténuer ce que la première avait de vraiment barbare. Il est regrettable qu’elle ne soit pas venue. Le faitestque, en ce moment, l’opinion est très montée contre la Compagnie du Nord. Elle lui reproche, non sans raison, son détachement, sa désinvol ture, l’aisance avec laquelle elle « lâche » ses agents, dans cette circonstance par ticulière, et, d’une manière générale, les excessives économies qu’elle fait dans le traitement de son personnel. Le rôle des gens de bonne foi et de modération (encore que cette modéra tion ne les empêche pas de ressentir vivement certains abus) n’est pas d’exciter les passions. Le moment serait malencontreusement choisi, et assez de mécontentements grondent déjà. Mais il faut reconnaître que la situation de beaucoup d’employés du service actif des chemins de fer est absolument hors de proportion avec ce que l’on exige d’eux. Je laisse à la légende le mot abomi nable qu’on prête à un administrateur de chemins de fer, à qui on faisait remarquer que des réformes urgentes s’imposaient, tant pour la sécurité des voyageurs que pour l’équité envers les agents. — Bah ! aurait-il dit, tout compte fait, les catastrophes, avec les indem nités qu’elles impliquent, nous coûtent encore moins cher que les augmenta tions de dépenses étudiées pour en empêcher le retour. Je n’admets pas que ce mot ait été prononcé. Il a été évidemment forgé de toutes pièces. Mais il y a quelque chose de douloureux à ce qu’il ne paraisse pas absolument invraisemblable. Les agents des chemins de fer sont particulièrement intéressants, parce qu’ils ont le sentiment du devoir vrai ment chevillé dans l’âme. Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque, mal payés, excédés de travail, ne sachant pas ce que c’est que le repos, ils font plus que leurs forces ne leur permettent de faire, avec le profond sentiment de leur responsabilité. Les mécaniciens, les employés ont encore leurs syndicats, qui peuvent formuler quelques récla mations. Mais ces pauvres petits chefs de gare, isolés par leurs fonctions dans le pays qu’ils habitent, où ils n’ont pas...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

En savoir plus
Données de classification
  • guérin
  • moustiers
  • de guerny
  • legrand
  • samuel baker
  • geffcken
  • salvador dans
  • a. elbert
  • paul ginisty
  • ernest daudet
  • france
  • angleterre
  • guerny
  • mézel
  • appilly
  • la haye
  • asse
  • marseille
  • allemagne
  • séoul
  • faits divers
  • compagnie de jésus
  • prison