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Le Petit Marseillais, 15 février 1910

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Le Petit Marseillais
15 février 1910


Extrait du journal

Avant de faire ces repas, il faut laver son corps et ses mains et secouer la poussière de ses vêtements. Et quand je reviendrai dans ma patrie, quand je dirai, chien méprisable, que j’ai fait selon celte coutume, tous les hommes, incrédules, se boucheront les oreil les. Dans cette auberge, toutes les chambres, en haut et en bas, aux six heures du jour et de la nuit, il n’est pas besoin d’huilo ni de feu ; mais les lampes s allument d’elles-mêmes. Dans cette seule ville de Marseille, il y a autant d’hommes que dans trois provinces tibétaines. Tous sont riches et il n’est pas de pauvres (?) Il faudrait réunir toutes les ri chesses du Tibet pour bâtir un seul foyer de cette ville. Les hommes ici no se nuisent pas entre eux (!). Et. je pensais que c’était la Terre du Sud (l'Eden des légendes du Tibet), où l’on ne peut aller. Alors, je résolus de ne plus retourner dans ma patrie. Mais ayant ré fléchi plus soigneusement, je me souvins que j’avais deux frères et une sœur. Tandis que je serais à mon aise, je ne saurais pas si mes frères et ma sœur souffrent dans ma maison. Alors je résolus de retourner dans ma patrie. Pa me dit que sa maison était dans la grande ville nommée Paris, où demeure le roi. Il dit encore que, nu Tibet, il faudrait un mois pour franchir cette distance. Mais par les moyens français il faut un jour. Ayant regardé attentivement, je vis que c’était vrai. La route perce les pierres, les fa laises, les montagnes, les forêts, les fleuves. La route est pavée de fer, et, pour aller sur cette route, des petites maisons sont posées sur des roues de fer... «Hfk A Paris, son ami bienveillant, dont il fait un demi-dieu, sinon un dieu entier, lui dit de s’habiller en Tibétain, avec de belles peaux. Et tout le monde le re garde. Adjroup Gumbo visite à présent la capitale. Il va au cirque, qu’il appelle la Maison où Von s'amuse. A Paris, il y a une maison toute ronde où l’on va pour rire. Depuis le bas jusqu’en haut des chefs et des hommes de toutes classes par milliers étaient assis. D’abord un cheval vint, portant sur la tête le nom du roi. Beaucoup d’hommes frappaient le tambour et soufflaient dans des trompettes pour faire danser le cheval. Et le cheval marchait sur deux pieds comme les hommes. Puis, deux hommes nus sautèrent sur la tête l’un de l’autre, et, de la tête, ils sautaient â terre en tournant plusieurs fois en l’air. Un homme ayant mis neuf tables l’une sur l’au tre, so plaça une lampe sur la tête, une lampe entre les pieds, une lampe sur chaque main. Il se mit debout sur les mains au sommet des neuf tables et tourna neuf fois sur lui-même. Ensuite neuf femmes de sept ans. dont la moitié du corps seulement était vêtu, dansè rent toutes les danses de l univers. Leurs dan ses n’étaient pas naturelles à l’homme. Et ces femmes n'étaient pas en papier, mais en chair vivante. Et je regardais, m’étonnant. Puis, des hommes et des animaux ayant en vahi la piste, de l’eau tomba en pluie du som met de la maison et jaillit du sol et recouvritles hommes et les animaux. Et de nouveau la piste se vida et se sécha. Les halles, les grands magasins où il se présente muni d’une balance chinoise pour contrôler les vendeurs, le MardiGras, les confetti, lui plaisent beaucoup. Il admire l’arc de triomphe de l’Etoile, et trouve que son sommet est un endroit très commode (!) pour retrouver à vol cl oiseau sa maison, quand on en a perdu l’adresse, dans cette ville qui est aussi grande que le Tibet. On le conduit au musée des Invalides. Dans quatre grandes maisons sont renfer mées des images des hommes de tous les temps jusqu’à aujourd’hui, et leurs vêtements et leurs couteaux, leurs arcs, leurs flèches et. leurs lances, des cuirasses, des fusils, des brides et des selles. Ayant vu ces choses, je sus comment était le monde depuis les Indes jusqu’à la Chine, et même au delà. Ainsi s’achève la notice de ce brave Adjroup Gumbo. Toutefois il y ajoute quelques ré flexions sur la campagne, car M. Bacot l’a emmené chez ses parents « dans un pays appelé Beauvois » où il reste trois mois, occupé tout juste à chasser. Malheureusement un nuage vient obs curcir le séjour du Tibétain à la campa gne : la cuisinière « a des moustaches et ne peut pas le souffrir ». D’où les diffé rends les plus vilains avec cette mégère. Enfin les patrons la congédient ; sa rem plaçante n’a pas les mêmes préventions contre l\A sialique : elle lui fait manger, au contraire, des choses délicieuses. Adjroup clôt ce premier livre de ses mémoires par une réflexion mélancoli que sur l'adultère. « En France, dit-il, quand la femme est infidèle à son mari, celui-ci, au lieu...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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