Extrait du journal

Bâle, 17 août. Un correspondant de la feuille bàloise National Zeitung, dépeint en termes saisissants la situation de la population roumaine qui a, avec une imprévoyance incompréhensible, vendu aux Empires centraux tout ce que ceux-ci voulaient lui acheter, et qui, maintenant, manque du nécessaire. Supposons, dit-il, que les paysans suisses aient vendu à la Fiance ou à l'Allemagne, à des prix fabuleux, tout ce qu'ils possé daient en bétail et en produits du sol. Ils se tre uvei aient, après avoir les poches pleines d’or, mais dans l’impossibilité de recevoir à n'importe quel prix, tout ce qui leur est né cessaire pour la conduite de leur ferme. Cela n'équivaudrait-il pas à la ruine du pays ? C’est ce qu’il est advenu de la Roumanie. Le début est dû au hasard. Le gouverne ment roumain n’avait pas a sa disposition assez de vagons pour le transport des énor mes quantités de blé, que la corporation des meuniers avait vendues à l’Allemagne. Qn fut obligé de s’entendre avec les paysans roumains afin qu'ils transportent le blé ù la frontière, au moyen de leur chariot à bœuf. Des milliers de paysans s’employèrent à ces charrois lorsqu’ils apprirent le bénéfice qu’ils en pourraient retirer. Les Allemands leur achetaient leurs bœufs, la voiture et la car gaison, et. les payaient cinq à six fois leur valeur. Le paysan qui était parti pour la frontière, avec un magnifique attelage et une solide voiture, rentrait chez lui à pied, mais les poches pleines d’or et d’argent. Le bruit, se répandit comme une traînée do poudre que là-bas, à la frontière, l’or se trou vait en tas. 11 n’y avait qu'à atteler, à char ger sur sa voiture tout ce qui pouvait s * ven dre, et en route vers l’Occident. Le pays en tier était, sillonné de longues colonnes de chars de paysans, en route souvent pendant des sc,moines entières. Mais aucune distance n’était trop grande. La soif de l’or avait atteint tout le monde. Dans un seul district roumain, il fut. vendu plus de 70.000 bœufs et chariots aux puissances centrales. I/O gouvernement roumain vit le danger trop tard. Trop tard aussi il décréta des in terdictions d'exportation, en y comprenant la farine. Et maintenant, au printemps dernier et au commencement de l'été, un nombre énorme de fermes n’ont pu être exploitées. D'autres travaillaient en partie seulement, par suite de l’impossibilité de se procurer le nécessaire. Les écuries étaient vides. On essaya, pour remplacer les bœufs vendus, de faire venir do Russie, des chevaux. On en im porta de grandes quantités. Mais hélas ! il advint des chevaux comme des bœufs 1 Us transitèrent simplement d'une frontière à l’au tre où ils se muèrent en or. On vendit tout, à tel point qu'il y a des localités, en Roumanie, où même la semence du blé fait défaut. Les grandes richesses qui ont envahi la pavs, en même temps que l’arrêt dans la pro duction, ont eu pour suite un renchérisse ment général exoïbitant. A Bucarest, par exemple, une paire de bottes se payait 170 fr.; un déjeuner dans un hôtel de second rang, à menu très simple, coûtait CO francs le couvert. Dans ce pays où le blé sort de terre si abon damment. un petit pain coûte 2 francs. Par ce moyen, l’argent circule en sommes énor mes, lè cordonnier exigeant huit fois le prix ; de même le boulanger et l’hôtelier. Les petits commerçants, les employés disposent de gros ses sommes. Le télégraphiste et le gendarme qui gagnaient 200 francs par mois, touchent actuellement 800 ti 1.000 francs. Il n’existe pas d’autre pays où la vie soit si chère qu’en Roumanie....