Extrait du journal

père dans tes bras. Eh bien, ton désir est exaucé ! Viens sur mon cœur !... Non? Tu t’éloignes? Je te fais horreur? Tu ne me reconnais pas?... Me reconnaître ! Comme si c’était possible !... Tu me repousses?... Hélas! c’était inévitable... Un individu qui court le chemin en mendiant son pain ! Un vagabond ridiculement affublé de vêtements loque teux !... Faire de cela ton père ! Oh ! j’aurais dû prévoir cette répulsion trop naturelle!... Mon enfant! Ma chère petite Jeanne!... J’ai pourtant là de quoi prouver vingt fois que je suis Eugène Larcher, ton père... Octave du Chesnay, s’il était ici, n’hésiterait pas, lui... Mais j’aurais voulu que toi tu me reconnusses... naturellement ; j’aurais voulu que l’impulsion de ton cœur seule te jetât dans mes bras sans hésitation, sans con trainte, sans restriction. Le vieillard prononçait d’une voix sourde ces phrases hachées par l’émotion. Et pendant ce temps-là, Jeanne anéantie, défaillante, se cramponnait, les doigts cris pés, aux saillies de la muraille pour ne pas tomber. — Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! soupirat—6ll©. Un frisson d’angoisse la secouait. Puis, tout à coup, un élan irrésistible la poussa vers le mendiant. — Mon père, murmura-t-elle, mon pau vre père, Je vous crois ! Et elle éclata en sanglots. Le visage du malheureux exilé s’épa nouit. Il prit les mains de la jeune fille, mit sur son front un long et tendre baiser, et lors qu’elle fut calmée, il ajouta ; — Ecoute-mol, maintenant. Jê veux que...