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Le Petit Marseillais, 18 novembre 1911

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Le Petit Marseillais
18 novembre 1911


Extrait du journal

Les revoies de fin d’année ne manque ront pas de nous offrir la scène du « quart d’heure ». La Chambre a limité, dans la discussion du budget, l’éloquence parle mentaire à un quart d’heure,dans la pen sée, d’ailleurs excellente, de mettre un frein au déluge de paroles qui retarde le vote dans les délais normaux. A vrai dire, on a admis quelques petites excep tions. Il n’y a pas besoin d’être grand prophète pour prédire que cette sévère limitation des discours recevra peu à peu quelques accrocs, et qu’il ne faudra pas longtemps avant que nos députés ou blient le sacrifice aux intérêts supérieurs de leurs petits intérêts particuliers. C'est une de ces belles résolutions qui peuvent inspirer quelque scepticisme quant à leurs suites. Le Français aime à parler, — et même à entendre parler. Il y a un peu trop d’héroïsme dans cette détermination pour qu’elle soit durable. D'ailleurs, un quart d'heure est long — ou est court. Tout dépend de la façon dont il est employé. Il donne le temps d’infliger un supplice assez pénible s’il est consacré à un « bafouillage » quelcon que. On ne s’aperçoit pas de la fuite des minutes si l’orateur parle avec chaleur et exprime dans une phrase heureuse des idées intéressantes. Il est certain que beaucoup de choses peuvent être dites en un quart d’heure, et même en un délai beaucoup moins long. On connaît l’anecdote célèbre de l’avo cat à qui le président d’un tribunal très chargé d’affaires avait recommandé d’être bref, et qui dit simplement, en se tournant alternativement vers son client et vers les magistrats : « Lui, innocent ; vous, bons juges. » La substance d’un grand et important discours tient en quelques mots, représentant ses points essentiels (et, la plupart du temps, en effet, l’analyse peut en être donnée assez rapidement). Mais l’auditeur est ainsi fait que, pour le frapper,pour le convain cre, pour produire en lui l’émotion, il faut lui répéter plusieurs fois le même thème. C’est par de petits coups de mar teau successifs qu’on fait entrer dans sa tête l’idée qu’on y veut enfoncer. La répé tition des arguments est une nécessité aratoire. L’art consiste, en somme, a 'redire, avec une apparence de variété, ce qu’on a déjà dit, à donner une force .progressive, semblant nouvelle, à la reproduction d’un très petit nombre de conceptions. Avant de réclamer l’extrême concision, il faudrait peut-être demander à la nature humaine de se modifier, ou, tout au moins, aux députés qui écoutent leurs collègues, plus d’attention, plus d'appli cation à saisir l’idée dominante. Mais pourquoi une assemblée parlementaire différerait-elle d une autre foule ? Elle est parfois peu touchée par de bonnes raisons et ne vibre soudain cru’à une image expressive, qui flamboie au milieu du discours. Il m’arrive d'être plus seneible à la forme qu’au fond. L'éloquence, en fait, a besoin, même en servant la meilleure cause, d’un peu d’artifice. Je parle, il est vrai d’« éloquence » et rien ne ressemble moins à l’éloquence, la plupart du temps, que les bavardages de tribune qui n’ont pour but que de donner au député de l’importance vis-à-vis de ses électeurs, ou la satisfaction de sa vanité. Quand il s’agit de ces harangues, qui ne souhaiterait qu’elles fussent réduites au minimum ? Leur inutilité fait leur pro cès. Mais il serait trop beau d'espérer que la décision prise aura réellement force de loi. Même en dépassant un peu le « quart d’heure », ce serait quelque chose de gagné, pourtant, si certains orateurs,qui n’ont pas accoutumé d’émet tre des pensées bien substantielles, pre naient l’habitude de se resserrer un peu. Du reste, pour ceux-ci il y a déjà une sanction supérieure à celle des règle ments : c'est celle de l’inattention géné rale et du vide de la salle. Les limita...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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