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Le Petit Marseillais, 19 juillet 1909

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Le Petit Marseillais
19 juillet 1909


Extrait du journal

Il semble bien que ce vieux dicton pour rait servir d’épigraphe au rapport de la commission d’enquête sur la marine, tant sont désastreux les résultats obtenus par des gens assurément animés des meilleures intentions et qui ne nous ont fait gaspiller tant de millions, depuis vingt ans, que pour donner un corps à leurs utopies, ou pour essayer de faire mieux que leurs pré décesseurs. Il voulait assurément faire mieux que ses prédécesseurs ce ministre de la marine, d’ailleurs fort intelligent et très travailleur, qui dota notre flotte, il y a une quinzaine d’années, d’un type de bâtiments aujour d’hui démodé avant même que les derniers échantillons soient achevés ou aient ter miné leurs essais. Le croiseur cuirassé ne devait-il pas être supérieur à la fois à tous les croiseurs et à tous les cuirassés des marines rivales ? Des premiers, il devait avoir la vitesse ; des seconds, il de vait avoir la puissance offensive et la puis sance défensive. Or, c’était là une utopie, car la vitesse ne pouvait être que médiocre pour des bâti ments surchargés de gros canons et de lourdes cuirasses ; et si l’on voulait obte nir cette vitesse à tout prix, sans augmen ter le déplacement, il fallait bien sacrifier quelque chose de l’artillerie, c’est-à-dire de la puissance offensive, et quelque chose aussi de la défensive, c’est-à-dire de la cuirasse qui assure la protection du bâti ment contre les projectiles ennemis. Et quand vint Tsou-Shima, on s’aperçut, mais un peu tard, que le progrès n’était pas là. Voilà tout de même une belle flotte d’une vingtaine de croiseurs, nous ayant coûté pas mal de millions, qu’il eût été plus pru dent de construire, non seulement avec moins de hâte, mais surtout avec moins d’engouement. Faut-il faire un crime de cet engouement au ministre de l’époque ? Hélas ! il s’est trompé de bonne foi sur des questions qui lui étaient étrangères, dans son ardent désir de faire mieux ; et son entourage aussi s’est trompé, soit qu’il n’eût pas les capacités nécessaires, soit qu’il n’eût pas l’indépendance et l’autorité indispensables pour éclairer un chef ignorant. Ne parlons pas du Parlement et encore moins des élec teurs qui ont élu celui-ci ; ils étaient de bonne foi, eux aussi, n’ayant aucune com pétence. Ils voulaient faire mieux encore, quoique tout aussi ignorants, ceux qui, à un mo ment donné, ont déclaré que c’était folie de jeter tant de millions à la mer pour cons truire des unités de combat valant de 30 à 40 millions chacune, alors qu’avec des flottilles de torpilleurs et de sous-marins on pourrait mettre les côtes de France à l’abri de toute attaque de l’adversaire, si redouta ble que fût ce dernier. Qu’avions-nous be soin,disaient-ils, de bâtiments de haute mer pouvant porter la guerre au loin, puisque nous sommes la nation la plus pacifique du monde et que nous ne devons avoir qu’un objectif, assurer la sécurité de notre terri toire ! Or, l’expérience est encore venue montrer que l’on faisait fausse route, et l’on faisait d’autant plus fausse route que tous ces bâtiments de flottilles coûtent fort cher, quoique petits, et que leur entretien, seul, est plus dispendieux que celui des grosses unités. De telle sorte qu’avec tous les millions consacrés à la réalisation des pro jets des utopistes, on eût pu construire une véritable flotte de combat, capable de se mesurer avec n’importe quelle flotte enne mie ; car il ne faut pas oublier qu’en 1889, époque à laquelle a commencé l’exécution de tant de projets fantaisistes qui ont affai bli notre flotte au lieu de l'améliorer, nous avions encore la seconde marine du monde, et si l’Angleterre nous dépassait...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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