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Le Petit Marseillais, 2 décembre 1900

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Le Petit Marseillais
2 décembre 1900


Extrait du journal

encore le baptême, ou, pour dire plus juste, la confirmation de la gloire; pour nous qui malgré la flotte et l’ar mée refaites^ malgré le commerce épanoui en Expositions, gardons au cœur une profonde blessure morale, — voici une occasion unique de pan ser, de guérir cette blessure, voici l’heure de délivrer notre âme et de relever la tête ! Et cette heure qui sonne, de long temps elle ne reviendra. Or, qu’avons-nous à faire, quel acte terrible ? Seulement dire à l’Europe : — On assassine en détail, après l’avoir écrasé en masse, un peuple innocent. Unissons nos volontés paci fiques pour faire cesser cet horrible scandale, dont le sang et la boue rejaillissent sur nous tous, nations civilisées et solidaires. Et si nous n’avons pas le bon sens, le cœur élémentaires de dire cela, si l'Europe reste sourde, alors c’est que tous les principes dont les sociétés se targuent, les immortels principes du droit, de la justice et de la liberté, ne sont qu’une blague, le pire des mas ques et que la bombe des anarchistes aurait raison. Notez que parmi toutes les nations la France est sans conteste la plus qualifiée pour revendiquer l’honneur d une pareille initiative. Oui, c’est à la vaincue,à l’envahie,à la démembrée de 1870 d’élever la voix. Parce qu elle a connu l’humiliation et la douleur, c’est à elle à chercher,bien tardivement, hélas ! à l’épargner à d'autres. Parce que dans une longue agonie de cinq mois elle a vu son sol piétiné et foulé.parce qu’elle a vu brûler ses fermes et les monuments, qui lui avaient donné tant de peine à bâtir; parce qu’elle a vu emmener ses pay sans en otages et fusiller ses francstireurs, c’est à elle à se souvenir. Elle aussi a vidé le calice, su ce que c’était que d’aller frapper à des portes durement closes, mendier de l’appui, du secours! Elle aussi a connu le froid dédain, lo détournement de tête de l’Europe ou bien le cercle d’yeux avi des, curieux et réjouis, autour de son écroulement. Voilà pourquoi c’est à elle, aujour d'hui, sans récriminations inutiles, mais avec force et douceur, de parler. Ali ! toute cette semaine, en traver sant les boulevards fourmillants et noirs de monde, en nous mêlant à la foule élancée vers Ivrüger, nous son gions avec mélancolie à une autre foule qui, voilà trente ans, s’amassait anxieuse dans le Paris du siège, à la veille des batailles de la Marne ! Du 29 novembre au 2 décembre, la grande ville se déversait vers les fortifications, montait à l'observatoire du Père-Lachaise, tournée, tendue vers le bruit sourd des canons. Allait-on rompre enfin l'affreux étau, respirer ? Un sursaut d’espoirenlièvrait chacun! Et comprenant notre détresse de naguère à celle que porte si noblement Krüger, nous songions amèrement, devant ces Parisiens en fête, devant ces rumeurs d'ovations : — Pourtant si ce peuple pouvait, voulait se souvenir!...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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