Extrait du journal

bonheur que rien ne pourrait le rempla cer. Ne sont-ce pas là des idées très avan cées dans leur subtilité poétique, puis qu’elles en viennent jusqu’à exprimer le dédain des réalités ?... On connaît encore,aujourd’hui, au Ma roc, dans le pays même où ils prirent naissance, ces chants pénétrants. Quelques petites pièces font penser, parfois, dans leur maniérisme même, aux grâces de l’anthologie grecque trans portée dans l’Islam. Un guerrier marocain, altéré par une longue course, s’arrête devant une mai,son et demande un/ verre d’eau. C’est Leilah, la belle vierge, qui le lui apporte. Mais le cavalier s’indigne : « Eh quoi ! dit-il, tu veux me faire transgresser la loi du prophète ! C’est du vin que tu me donnes ! » — « C’est de l’eau, répond Lei lah, mais si tu la prends pour du vin, c’est qu’elle réfléchit la couleur vermeille de mes yeux. » Y a-t-il rien de plus galant ? Dans une autre pièce, un amant, que la passion a rendu jaloux, fait cette prière « que si quelque autre que lui ap proche de la bouche de sa belle, ce ne soit jamais que la coupe. » C’est, à tout prendre, du raffinement littéraire. L’impression n’est-elle pas étrange de penser à ces poèmes ingénieux, sortes de concctti, attestant les jeux les plus déli cats de la pensée ; — et de se reporter aux dépêches qui nous arrivent, disant le fanatisme et la sauvagerie des tribus qui assaillent nos troupes. Où sont les grands aïeux, courtois dans l’héroïsme, épris de l’art du bien dire autant que d’aventures, de ces sortes de brutes dont nos colonnes doivent sans cesse repousser les assauts ? PAUL GINISTY*...