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Le Petit Marseillais, 20 novembre 1910

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Le Petit Marseillais
20 novembre 1910


Extrait du journal

Le prince Victor-Napoléon, notre em pereur de demain, donne son adhésion à la République et à ses hommes d’Etat, qu’il considère comme suivant une poli tique excellente. Il ne ferait pas mieux, et si jamais il est appelé à faire notre bonheur, il ne procédera pas autrement. Il ne voudrait pas d’autres ministres, ni d’autre gouvernement. Nous nous en étions toujours douté, et cette approbation nous semble des plus naturelles. Il ne faudrait donc pas la regarder comme une conversion, et dire avec quelques âmes innocentes : « Le prince vient à la République. » Ce n’est pas le prince qui vient à la République, c’est la République qui viendrait au f-prince, si tant est qu’elle Fait jamais quitté. Que tout ce qui se passe chez nous plaise au représentant du régime impé rial, quoi de moins surprenant ? Nos ^républicains sont les soldats à qui le nou veau Bonaparte peut dire : « Je suis -content de vous. » Nous sommes cVaildeurs aussi fiers qu’eux des félicitations de quelqu’un qui s’y connaît. Nous n’avons pas la République sans républicains promise par M. Thiers, mais nous avons les républicains Sans la République. Celle-ci n’étant qu’une pure et simple continuation de l’empire, il n’y a pas lieu d’être surpris que l’em pereur nous dise : — Mes amis, vous allez bien, vous friiez très bien. Sur ma parole, il ne manque que moi dans votre république. Quand me faites-vous revenir ? » Sur ce point seulement nos représen tants ont fait la moue. — Majesté, ont-ils dit, en se grattant 3e nez, voilà ce qui nous sépare. Vous touchez l’endroit sensible. Nous ne pou vons pas vous céder la place. Elle est bonne et nous y tenons. D’ailleurs, cela n’a aucune espèce d’importance, puisque nous faisons la même chose que vous. Vous êtes le premier à en convenir. » Cette réponse met les choses au point. » Il est évident, qu’il n’y a aucune raison pour rappeler un prince exilé qui, s’il revenait, ne gouvernerait pas autrement que nos dirigeants d’aujourd’hui. Il faut que la force de la vérité soit bien grande pour que de pareilles paroles aient pu échapper au prétendant. Il est, en effet, d’usage immémorial que celui qui veut reprendre un pouvoir perdu blâme la conduite de ceux qui lui ont succédé, et c’est bien la première fois qu’on entend un monsieur qui désire une place s’ex primer en ces termes : — Ce qui m’encourage à la solliciter, c’est qu’il est impossible d’y être supé rieur à celui qui l’occupe. » Nous n’étions pas accoutumés à unpareil langage. Généralement tous les personnages qui entretenaient le louable désir de diriger nos affaires, critiquaient avec âpreté la façon dont elles étaient menées et n’hésitaient pas à crier, tou tes les fois qu’ils en avaient l’occasion : « Ah ! si nous étions là, cela se passerait tout différemment.: » Pour la première fois, la cloche rend un autre son. Son carillon, elle le dé clare, ne différera point du nôtre. L’Em pire promet de continuer la République, tout comme la République a continué l’Empire. Il ne s’adresse pas aux mécon tents, mais aux contents. Cela est vrai ment nouveau : mais ce n’est peut-être .pas très habile.« Car les contents, s’il en est, se diront : « Ce n’est pas la peine de changer ; notre paradis nous suffit. » Quant aux mécon tents, qui sont tout de même un certain nombre, ils trouveront vraisemblable ment inutile de s’adresser à un fournis seur qui les prévient qu’il leur servira la même marchandise. — J’aurais, dit le prince, accepté tou tes les lois que vous avez votées. » Et il s’associerait de même probablement à toutes celles qui sont en préparation. Déclaration qui ne laisse peut-être pas que d’embarrasser les inventeurs de la définition du parfait républicain, qui, hier encore, nous disaient que le vrai républicain est l’homme qui accepte toutes les lois prétendues réformatrices dues à la majorité parlementaire. A ce compte, le meilleur républicain de France ce serait l’empereur en for mation....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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