Extrait du journal

betta, à cent mètres de la caserne des Tourelles, ils aperçurent une voiture venant de leur côté, dans laquelle six jeunes gens chantaient, à tue-tête. Tout à coup, la voiture s'arrête, les individus descendent, se jettent sur les deux époux et les lardent à coups de cou teau. Des passants arrivent et transpor tent les victimes à l’hôpital Tenon, dans un état grave. On arrête les agresseurs, jeunes gens de 18 à 20 ans, déjà repris de justice et frappés d’interdiction de séjour. Interrogés, ils répondent cyniquement que c’était « pour s'amuser » qu'ils avaient « piqué » les époux Chagot, in connus d’eux, d’ailleurs. Le 28 octobre suivant, à Montagny (Seine-et-Oise), un ouvrier agricole, .Joseph Kyd, cultivateur, se voit arrêté sur le chemin par deux jeunes gens qui lui demandent son nom et sa profession, qui 1 empoignent par les bras, le jettentà terre, et, pour s’amuser aussi, lui font subir une atroce mutilation. Le lendemain, sur la route d’Héricy a Montereau, on trouve un homme étendu, poussant des gémissements lamentables. Une automobile venait, de l’écraser, avait continué sa marche, et avait éteint ses feux pour ne pas être reconnue. Faudra-t-il rayer du dictionnaire le mot « humanité » qui paraissait autre fois si élémentaire ? Les crimes succèdent aux crimes, et leur variété est sans bornes. Il y a quel ques jours, à Versailles, c'est un miséra ble irresponsable qui se jette sur une pauvre petite marchande de journaux, puis la coupe en morceaux et ensuite ne sait plus que faire de ces débris accusa teurs. Hier, on enterrait à son tour la mère de la victime, Mme Del rien, morte •Me douleur. Il y a quelque temps, dans la petite commune du Muy, entre Toulon et Nice, un autre criminel était allé au cimetière déterrer le cadavre d’une enfant morte de pneumonie infectieuse, l’avait mise dans un sac et emportée dans son lit. De plus, il lui avait coupé la tête. A Draveil, il y a quinze jours, un che napan a coupé le fil de commande de la voie 1 rapide pour faire dérailler le train près de la Seine. Malgré certaines statistiques, nous savons que le nombre des crimes et délits qui était, en 1835, de 214.153 par an, dépasse aujourd'hui 500.000, et que sur ce nombre 315.400 échappent à toute répression. Et quant à la répression, on sait com bien elle est « humanitaire », celle-ci. La prison de Fresnes, entre Juvisy et Paris, est admirablement installée, et les malfaiteurs y sont incomparablement mieux que chez eux, bien chauffés, bien éclairés, bien nourris, bien couchés, etc. Le dernier compte des dépenses que nous payons pour eux s’élève, d’après les journaux, à : 65.000 tablettes de chocolat, 3.800 kilos de café, 2.800 kilos de confitures, etc.« Trois mille huit cents kilos de café, ajoute un de nos confrères, cela fait quel que chose comme deux cent mille tasses. On doit être nerveux, à F'resnes ! » On comprend que les apaches souhai tent, avant tout, aller passer leur hiver dans une aussi confortable institution. Evidemment, notre état de civilisation est bizarre, incohérent, irrationnel et faux. Ce n’est pas un progrès. C’est une décadence morale formidable. C’est une absurdité. A quelle cause attribuer cette déca dence, aussi incontestable que le progrès scientifique ? A l’éducation de la jeunesse. Cette éducation actuelle est basée sur un principe absolument faux : sur l'ab sence de responsabilité, sur la suppres sion de la conscience, sur l’ignorance des forces psychiques, sur l'affirmation que l’âme humaine n’existe pas et que l’uni vers n'est qu’une mécanique....