Extrait du journal

UIE RÉFORME QUI PEUT ATTEBDRE a Souvent, a dit le fabuliste, la peur d'un mal peut nous conduire au pire.» C’est un peu ce qui nous a tout l’air de se produire à propos de la forme nou velle que le gouvernement vient de donner à son projet d’impôt sur le revenu, pour se traduire en une taxation qui ne paraisse pas trop vexatoire. On ne veut plus que cet impôt — dont l’heure est, nous assure-t-on, venue — prenne l’aspect rébarbatif d’une combinaison inquisitoriale,capa ble d’exaspérer la gent corvéable. On a réformé l’idée, primitivement admise, de pénétrer dans les affaires pri vées des citoyens, de contrôler leurs gains et leurs dépenses, de découvrir leurs économies, à seule fin de déter miner d’une façon exacte le « pour cent » dont ils sont imposables. Le mode d’onquèto l’nn X\T'Â tend faire accepter au Parlement est beaucoup plus libéral, tout en donnant les mêmes garanties d’arrivée au but; il ne met pas la main dans la caisse du contribuable, ni le nez dans son portefeuille, il se contente de juger du revenu des particuliers, c’est-à-dire du quantum sur lequel l’impôt nouveau sera établi, d’après des signes exté rieurs de la richesse de chacun. Ces"* « signes extérieurs » s’enten dent exactement par la signification exacte des mots : Le taux du loyer, l’habitation double (ville et campagne), le nombre des domestiques, des voi tures, des chevaux, des chiens, etc., représentent les signes extérieurs de la richesse, partant les bases sur lesquelles le fisc devra dresser ses petits états de recettes. C’est-à-dire, au fond, que cet impôt sur le revenu frappe impitoyablement sur ceux qui,ayant des revenus,savent les dépenser, laissant indemnes ceux qui ne les dépensent pas ; et qu’ainsi sera donnée une prime à l’avarice, récompensée de sa modestie dans la manifestation de ses richesses, par l’exonération de tous impôts. En un mot, c’est le vieil impôt somp tuaire qui montre ici le bout de l’oreille, avec cette inconcevable aber ration le lançant à l’exclusive pour suite des manifestations du luxe, comme si l’argent qui, par cet amour du luxe, sort de la poche du riche ne coulait pas tout naturellement au pro fit du pauvre. De ce côté, la combinaison n’est pas heureuse. Elle le paraît encore moins ?[uand on songe à la situation ainsi aile au citoyen possédant de la famille, par rapport à celui qui vit allégé de cette charge. Le premier, forcé par la multitude d’exigences qu’entraîne son état,de consacrer toutes ses ressources aux dépenses du ménage , fournira ainsi ces fameux «signes extérieurs » grâce auxquels le fisc pourra apprécier exactement ses facultés de contribua ble, tandis que le second, le tranquille célibataire, pouvant réduire à la plus minime expression ses dépenses personnelles, se révélant par les sus dits « signes extérieurs » , échappera ü l’impôt. El ce malheureux pied-à-terre que loue l’été le père de famille pour donner quelques bains d’air à ses enfants, mettra le brave homme , considéré comme ayant maison de ville et maison de campagne, dans un cas très spécial de manifestation de richesse, élevant au maximum sa cote de contributions! Le tout est à l’avenant; le nouveau projet d’impôt sur le revenu ne frappe au fond que le revenu qui s’étale, res tant désarmé contre le revenu qui ne .s’étale pis, oubliant le citoyen qui thésaurise, pour courir sus au citoyen qui jette dans la circulation l’argent en sa possession ; ce qui est une sin...