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Le Petit Marseillais, 22 août 1894

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Le Petit Marseillais
22 août 1894


Extrait du journal

mais voilà le diable : il y a les Bordelais et surtout les Bordelaises. D'où vient que tous les gens que je rencontre sont froids, guindés, avec je ne sais quel air de réserve aristocra tique, qui semble imaginée pour tenir son monde à distance ? Quoi ! Ce sont là des Méridionaux ! L’histoire nous apprend que les Anglais ont longtemps possédé la Guyenne ; je serais tenté de croire qu’ils y ont laissé, avec un peu de leur sang, ce goût de correctiçn hautaine qui les distingue quand ils sont sur le continent. Car chez eux ils sont aimables et s’ouvrent volontiers, lorsqu’on leur a été présenté et que la glace est rompue. Le croiriez-vous ? Dans ces petites criques dont je vous parlais tout à l’heure (on les appelle les Conches dans le pays), quatre ou cinq familles, met tons dix, se retrouvent tous les jours, et elles ne fusionnent point. Chacune d’elles garde son quant à soi et forme une tribu d’où l’on ne peut approcher que si l’on a été, comme disent les Anglais, introduit. A Paris, nous avons pour les bains de mer une convention qui est très commode et qui rend la vie beaucoup plus facile. Il est entendu que les liai sons de plage ne comptent pas. On est venu aux bains de mer pour se reposer et pour s’y amuser. Comme on ne peut faire l’un et l’autre de ces deux choses que si l’on y trouve des compagnons de plaisir, on est très facile à l’accueil ; le moindre prétexte suffit à mettre en rapport deux personnes qui ne se. connaissaient pas de nom un quart d’heure auparavant ; elles entrent tout de suite en relations, pourvu qu’elles se sentent à peu près du même monde ; on est tout de suite amis et grands amis, sans enquête préalable de l’un sur l’autre ; on fait des parties ensemble, on ne peut plus se quitter, jusqu’au jour où l’on se quitte pour de bon afin de rentrer à Paris. Une fois à Paris, on continue sans doute de se voir, si l’on s’est plu sérieu sement, si les convenances sociales le permettent; mais il est de convention qu’on peut, si l’on veut, ne plus se connaître. On est autorisé, si l’on ren contre une connaissance de plage, à paraître l’ignorer, ou à saluer d’un -is^î;ceptible signe de tête une personne à qui l’on avsvf prodigue les poignécadc main en face de l’Océan. C’est grâce à cette convention que les Parisiens n’hésitent jamais à partir seuls pour une plage quelconque. Ils sont sûrs (à moins qu’ils ne préfèrent vivre isolés et en loups), ils sont sûrs d’avoir fait des connaissances au bout de vingt-quatre heures, et, pour peu qu’ils soient aimables, d’être invités à toutes les parties. Je n’ai jamais vu de plages proven çales. J’imagine que là on est encore plus prompt aux embrassades et aux rires, et qu’on se tape sur le ventre à première vue; je parle, bien entendu, des hommes. Mais je ne m’imagine guère les Provençales faisant des ma nières avec ces yeux qui brillentcomme de noirs diamants, avec ces physiono mies toutes pétillantes de malice et de gaieté. A Royan, il n’y a pas à dire, tous les Bordelais ont avalé leur canne. Ils se tiennent sur le qui-vive. Je vais le soir, au théâtre; la salle est toujours comble; car la troupe est remarquable et l’on joue de grandes œuvres, comédies ou opéras. Mais quel public froid et com passé! Il ne sent pas le besoin d’épan cher son cœur, d’exhiber au dehors en applaudissements et en cris les senti ments dont il est plein. Il se tient droit, attentif et muet. 11 fait le désespoir des artistes, qui ne savent jamais ce qu’il pense. Il ne rompt avec les traditions d’élégante indifférence que quand le snobisme lui impose la loi d’applaudir furieusement, lorsqu’il a affaire à une...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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