Extrait du journal

du poète, du curieux t du simple touriste. Ce sont là les grains de beauté du monde. La face du monde civilisé serait toute changée, toute drôle et attristée si elle ne portait plus ces signes d’origine, ces marques distinc tives que nos pères ont vues et ont aimées. Il ne faut pas rajeunir trop la figure du monde. Elle deviendrait maussade et froide. On ne saurait plus l’aimer du même amour. Assez de villes nouvelles seront tirées au cordeau. Oh I les New-York d’aujourd’hui sofit séduisantes à côté des New-York de demain matin! Figurez-vous qu’on aura des villes où touslesappartemenls seront machinés; les lits, à heure fixe, grâce à un ingé nieux système de déclanchement, seront, par exemple, chaque jour, secoués à la mécanique, les matelas et les draps remis en place et rentrés jusqu’au soir dans l’épaisseur du mur, toujours mécaniquement. Au lever du soleil, tous les volets de toutes les maisons se seront ouverts à la fois, sans pitié pour les lève-tard ! Plus de voitures à chevaux. Des voitures à vapeur. Plus de piétons ; des cyclistes. Bien entendu, comme à NewYork aujourd’hui, point de noms au coin des rues, de ces noms odieux qui rappellent les grands hommes, artistes ou savants. Des numéros les rempla ceront partout. Plus de supérieurs nulle part, la vraie égalité à la ma chine. Plus de commerce d’amitié. Rien que du commerce proprement dit. Plus d’échanges d’idées, de senti ments. L’échange positif, seul roi, occupera les vieux, les jeunes, les femmes, les enfants même, et les mouvements des berceaux seront utilisés pour faire marcher de petits moulins à moudre, non pas le café, boisson inutile, mais le pois chiche torréfié et le maïs des familles. Si cet avenir-là vous séduit, démo lissez les remparts d’Avignon. La beauté des ruines est une chose inutile. A quand la déchéance des roses? JEAN AIGARD....