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Le Petit Marseillais, 28 septembre 1894

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Le Petit Marseillais
28 septembre 1894


Extrait du journal

les bombes qu’il avait inventées et qui pouvaient se lancer avec une fronde. « Chaque bombe est divisée en deux parties égales; un pas de vis réunit les deux parties et les ferme hermétique ment. On remplit l’intérieur de poudre ordinaire, et on couvre de capsules les lumières qui garnissent l’enveloppe extérieure. En sorte que, de tous côtés, la bombe tombe sur une capsule qui met le feu à la poudre et fait éclater l’engin en un nombre considérable de morceaux, blessant tous ceux qui se trouvent auprès. » Il professait là un cours d’insurrection et de barricades. La cause était sainte, mais pensait-il que cette révolution aboutirait à refor mer une autre noblesse — dont il serait ? « Comte », il ne pensait pas non plus à l’être quand, reconnaissant de l’affec tion que lui avait témoignée, pendant qu’il était prisonnier à Turin, une ouvrière blanchisseuse, Rosalie Montmasson, dont le dévouement passionné avait adouci ses épreuves, il l’épousait un peu plus tard, à Malte, si pressé de faire d’elle sa femme, dans l’élan de sa gratitude, qu’il empruntait à un ami de quoi acheter un anneau de mariage et qu’il s’adressait, pour faire consacrer son union, à un jésuite de passage... M“* Rosalie Montmasson existe en core, mais elle n’est plus M“* Crispi. C’est une histoire connue, qui contient un vrai roman, celle-là ! La courageuse femme qui avait, au péril de sa vie, porté en Italie les communications des révolutionnaires, qui avait fait le coup de feu pendant l’expédition des Mille, avait été bonne pour les jours de misère et de lutte. Quand la fortune sourit à M. -Crispi, quand il fut en passe de devenir ministre, l’homme dEtat s’avisa que ce mariage avait été irrégulier, qu’il ne comptait pas, qu’il n’avait été qu’une sorte de jeu sentimental, qu’un serment n’engageait point quand il n’avait pas été accompli dans les formes et, du jour au lendemain, Rosalie Montmasson, créature de tendresse et de bonté, qui avait jadis été capable de consoler le proscrit, mais qui était insuf fisamment grande dame, apprit qu’elle n’était de rien à M. Crispi. On ne la considérait plus que comme une maî tresse gênante. Alors, l’anneau, le prêtre, la bénédiction, les promesses d’éternelle fidélité ?... Tout cela n’avait été que comédie !... On la renvoyait. C’était fini... Quelques mois plus tard, il y avait une autre Mme Crispi, et c’est la fille de celle-ci qui va être princesse. Ah! l’épilogue que donne la vie aux belles idylles! Les années ont passé, Mme Rosalie Montmasson s’est résignée. Après les premières larmes,elle a gardé un silence digne. Des « notes de police » ont rassuré le ministre sur sa conduite discrète et irréprochable, car celui dont elle fut la compagne, pendant la période difficile de son existence, l’a fait sur veiller... Mais que doit-elle penser, elle, avec ses souvenirs d’antan, de la fan taisie nobiliaire couronnant la carrière de l'homme qu’elle aima , autrefois, pour ses patriotiques audaces, pour la généreuse ardeur qu’il mettait au ser vice de la cause de la liberté ! PAUL GINISTY....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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