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Le Petit Marseillais, 28 septembre 1924

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Le Petit Marseillais
28 septembre 1924


Extrait du journal

dans toute la controverse où lu Russie serait mêlée, il prendrait parti pour elle, sacrifiant toutes les considérations secondaires au futur triomphe de sa nouvelle doctrine sociale ? Désormais, pour les citoyens de ce peuplo-lA, toute guerre entreprise par la Russie ne serait pas une guerre, mais une purification, uno opération sunitairts, un aspect de la révolution mondiale 1 — Vous nous glacez par votre froide, logique l — Raisonnons un instant par l’ab surde. Supposez que sur doux territoires européens u'égale étendue, deux peuples soient limitrophes. Le premier poussant lu malthusianisme jusqu’au suicide finit par n’avoir plus que dix millions d’habi tants vivant dans l’apathie ut la déca dence. Le second, entreprenant, plein d’ardeur et d’audace, arrive au chiffre do cent millions d’habitants ; ,il leur donne une instruction supérieure ; il leur inculque des idées d’énergie et d’action, des vues nouvelles sur l’avenir du monde.... Mais il parvient A peine A les nourrir, manquant des ressources’ nécessaires à uno telle multitude. Croit-on que n'importe quel pacte de sécurité empêchera le second de convoi ter les terres du premier ? Ou bien il y pénétrera par la force et ce sera la guerre, ou bien il y pénétrera pacifique ment et ce sera l'aDsorption lente. Mais, dans un cas comme dans l’autre, qu'on sera-t-il do la sécurité de celui des deux peuples qui aura laissé déchoir ses droits en laissant déchoir sa propre substance ? En réalité, lin peuple qui doute do soi réclame la consolidation des droits acquis, s’accroche au passé, rêve de sécurité, tandis que d’autres peuples se répandent en revendications Apres, en demandes de « restitutions », parce qu’ils s’imaginent, A tort ou A raison, pouvoir attendre beaucoup de l’avenir. —De sorte que, d'après vous, pour un peuple, la meilleure des sécurités... — C’est, avant tout, celle qu’il se I donne A soi-même en devenant toujours plus plein de vitalité, plus compact, plus uni, plus impénétrable, plus dense. « Je 1 grossis, pourrait-il dite, donc, je serai ». — J’ajoute, dit l’un des interlocuteurs qui, pondant un certain temps, s’était tu, j'ajoute que, pour l’homme qui connaît l’univers, le problème do la sécurité prend des aspects tout différents de ceux qu’on imagine quelquefois, au fond do nos sous-préfectures. Notre maître et ami Gustave Le Bon cite quel que part des phrases du général anglais Yan llumilton qui, nu retour d’un grand voyage en Chine, concluait comme suit : « L’immense prolétariat asiatique est sobre, laborieux, très habile. Il se contente du presque rien. Il serait tout prêt A prendre la place dos travailleurs européens et A les supplanter dans la production s’il n’existait pas une supré matie de l’Europe qui repose tout entière sur la force des armes. Faites que demain la supériorité militaire européenne soit abolie, faites que demain un Chinois se seule l’égal d’un Européen et, dans vingt ans, les Célestes déferle ront sur l’Occident, submergeant tout sous le poids de leur main-d’œuvre A bon marché, sous leur puissance de travail. Qu’en sera-t-il alors des grands pro grammes sociaux européens V Qu’un sera-t-il de la journée de huit heures et des hauts salaires ? Ainsi, fait para doxal, la sécurité des prolétaires de l’Europe est garantie par ce militarisme qui... — Décidément, nous écriûines-nous, tous ces problèmes sont d’une complexité infinie et l’intelligence vacille quand elle essaie de les étreindre. Cependant ne désespérons pas et soyons, quoi qu’il arrive, ramenés A l’optimisme par cette certitude que, dans lo conflit incessant des idées et des forces, celles qui survi vront co seront les plus aptes A évoluer, les plus dignes cio transmettre leur frappe A l’avenir. L’univers de demain co sera, quoi qu'il arrive, le meilleur des univers possibles. Que pourrions-nous donc demander de mieux ? Si, naguère, les Bourguignons on les Armagnacs avaient réclamé « la sécurité », n’en ririons-nous pas aujourd’hui ? Le soir tombait : nous ne discutAmes pas plus avant. LUDOVIC NAUDEAU....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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