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Le Petit Marseillais, 29 juillet 1925

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Le Petit Marseillais
29 juillet 1925


Extrait du journal

On sait bien qu’en politique le mensonge est élevé à la hauteur d’une institution, mais les députés belges sont tout de même allés un peu fort dans le reniement de leurs promesses. Ils ont presque égalé des élus marseillais, ce qui n’est pas peu dire. Tous ou à peu près avaient promis qu'ils voteraient le droit de suffrage pour les femmes. Il y avait là, notamment, vingt socialistes qui avaient juré de mourir pour le principe plutôt que de ne pas tenir parole. Cinq seulement ont tenu leur ser ment. Les quinze autres, comme vous pouvez croire, ne sont pas morts. Bref, la Chambre belge n’a pas brutale ment rejeté la proposition accordant le droit de vote aux femmes pour les élections prochaines, mais elle l'a ajournée sine die. Il résulte de cette expérience qu’en Belgi que, aussi bien qu’en France, les hommes ne Sont pas encore mûrs, même quand ils sont très mûrs, pour renoncer au privilège du bulletin de vote. C’est d’autant plus absurde que cinquante pour cent des élec teurs masculins, ainsi qu’on l’a vu aux élections cantonales, n’exercent pas leur droit de vote. Alors pourquoi veulent-ils empêcher les femmes d'accomplir ce devoir à leur place ? Des orateurs belges ont montré le bout de leur oreille velue : « Si les femmes votent, disent-ils, elles vont nous ramener au temps de l’obscurantisme. » C’est encore la peur du curé qui possède ces élus. Au fond, l’obscurantisme est de toutes les époques. Si ce mot signifie que l’on met la lumière intellectuelle sous le boisseau, jamais nous ne fûmes plus qu’à présent obscurantistes; on n’y voit pas à deux pas devant soi dans les taillis de l'intelligence. La vérité est que, députés et sénateurs d’à peu près tous les partis, en France comme en Belgique, ont une sainte frousse du vote féminin; ils le redoutent pour l’ave nir avec la crainte justifiée de ne plus être élus. C'est qu’ils ne bourreront pas le crâne des femmes avec autant de facilité qu’ils font de celui des hommes. Ceux-ci, entre deux apéritifs et trois réu nions publiques, croient dur comme fer à tous les sophismes sur la réaction, la main des jésuites, le nationalisme, etc., et ils votent en conséquence, c’est-à-dire pour le charlatan qui hurle le plus fort et ment avec le plus d’aplomb. Les femmes sont surtout sensibles aux réalités du budget familial. On en capterait bien quelques-unes avec de jolies phrases et une aimable flatterie, comme il est d’usage dans l’ordinaire de la vie, mais la majorité d’entre elles se méfieraient : « Nous savons assez par nous-mêmes, di raient-elles, ce que valent les promesses ; donnez-nous des gages de sincérité : vie moins chère, paix sociale, et si vous êtes vraiment contre la guerre qui tue nos fils, ne faites rien pour la provoquer ni pour encourager les Allemands à recommencer. » Alors les candidats s’apercevraient que le temps des bêtises politiques est passé. Voilà ce qui cause aux élus actuels une répulsion invincible pour le suffrage féminin. Aux approches d’une période électorale, ils font bien luire aux yeux du sexe faible l’espé rance du bulletin de vote ; mais, ainsi qu’ils Vont montré il y a quelques mois, ce geste, comme par un fait exprès, arrive toujours trop tard pour être autre chose que du platonisme politique. On ne conseillerait pas aux femmes qui veulent voter et que l’on berne, de renou veler la manifestation de Lvsistrata et de ses compagnes pour la cessation de la guerre ; trop de Lampito feraient sans doute échouer le mouvement ; mais elles pour raient peut-être faire brûler la soupe jus qu’à satisfaction électorale complète. Aujourd’hui, comme jadis et toujours, on n’obtient rien sans un peu de vio lence. — E. Th....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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