Extrait du journal

Il ne devait rentrer qu’à sept heures du soir. Il profiterait de son voyage à Nantes pour s’informer du prix des outils agricoles dont il avait besoin. Il était tout feu et flamme. Les cinquante mille francs qu’il avait à tou cher lui semblaient de plus en plus une force grâce à laquelle il pouvait arriver à tout et, en effet, avec un peu de chance, le succès n’était pas impossible. La journée devait sembler longue à la vi comtesse restée seule. % L’impression favorable de la veille au soir s’était promptement dissipée. Son cœur se soulevait à la pensée qu’ils étaient les débiteurs et les obligés du baron Claude qui, après le service rendu, pouvait parler en maître et réclamer sa récompense. Cette dette lui était insupportable. Que lui répondre, s’il faisait de nouvelles instances auprès d’elle ? A chaque instant elle s’attendait à le voir paraître. Aussitôt après un rapide déjeuner pendant lequel la servante remarqua son agitation, elle se disposa à sortir. La peur de se trouver en face du baron lui serrait la poitrine comme avec des tenailles. Elle aurait volontiers chanté l’air jadis cé lèbre de la « Juive » : Il va venir ! Et elle n'aurait pas manqué d’ajouter le se cond vers : Et d’effroi je me sens tressaillir. Cependant ce n’était pas précisément de la terreur qu’elle éprouvait. Le baron n’avait rien d’effrayant en somme. Il était plutôt de ceux qui peuvent passer pour séduisants. A part certaines lueurs de ses yeux, cer tains éclats de sa voix qui indiquaient un ca ractère d’une violence extrême, le sentiment de sa puissance et une opiniâtreté indompta ble pour l’exécution de ses volontés, il avait su, dans ses entretiens avec la belle Thérèse,...