PRÉCÉDENT

Le Petit Parisien, 7 décembre 1922

SUIVANT

URL invalide

Le Petit Parisien
7 décembre 1922


Extrait du journal

tance presque recueillie qui écoute aujourd'hui les avocats de la partie civile. Après M* FjUiol, l'un des défenseurs d'Angèle Laval, qui au cours des débats a montré une présence d'esprit ardente et lucide, M" Beyrand et Lacoste nous ont prouvé tout d'abord qu'il y a des maîtres au barreau de Tulle ; .ils ont ensuite apporté un solide faisceau de présomptions; certaines d'en tre elles évidemment sont troublantes. Pourquoi, appelée par l'expert, M. Locard, à donner quelques lignes de son écriture, Angèle Laval met-elle douze minutes à s'exécuter ? Pourquoi rctouche-t-elle longuement chacune de ses lettres, chacun des mots lorsqu'elle apprend que ce rapport l'incrimine ? Comment, même avant d'avoir demandé à lire les fameuses mis sives, se décide-t-elle aussitôt au suicide ? Lors que le courage lui manque, comment ne fait-elle rien pour sauver sa malheureuse mère affolée ? Est-ce, comme on l'a dit, parce qu'elle redoute les aveux qu'on arracherait à cet affolement ? N'est-ce pas une étrange coïncidence que la cam pagne des lettres anonymes, redoublant plus menaçante lorsque la jeune fille est inculpée, s'arrête au moment où elle est internée dans un asile d'aliénés ? Oui, il y a des points obscurs dans son atti tude, des mots inquiétants qui sont presque des aveux, un machiavélisme inutile ét qui déroute. On ne peut oublier non plus qu'il y . eut des victimes dans ce drame, celles qui sont mortes et celles qui survivent. Certains des épisodes fourniraient des chapitres tragiques de psycho logie provinciale à un nouveau Balzac, d'éton nantes péripéties à un feuilletoniste. Il est certain enfin que les débats ont révélé chez Angèle Laval plus de colère et plus de haine que de douleur ou d'indignation. Elle a pieuré aujourd'hui,-mais c'était de rage. Jamais elle n'eut cet irrésistible cri jailli du tréfonds de l'être, ce regard qui emporte la conviction. Pour elle-même, on l'eût souhaitée plus tou chante, la « pauvre petite chose impuissante et endolorie » cqmmç elle s'appelait elle-même en invoquant son amour, son désespoir et la pitié de ses docteurs. On ne vit qu'un petit fauve traqué qui gronde en crispant ses griffes. Pourtant, elles ont beau être fortes, ce ne sont que des présomptions de preuve. Il n'y en a guère qu'une ; encore consiste-t-elle en un geste du bras hors du manchon que l'inculpée aurait fait en passant devant une porte où, deux heures plus tard, on cueillait une des lettres vénéneuses. Ce geste, qui n'eut qu'un témoii), il y a de cela plus d'un an, est-il suffisant pour entraîner une condamnation ? Car une impression semble se dégager de ces longs débats. Si Angèle Laval fut coupable, elle ne fut pas seule coupable. Les avocats qui plaident contre elle ont eux-mêmes admis que certaines lettres ne peuvent être d'elle. Ils ont prononcé certains noms ; d'autres noms courent dans la ville... Si c'est vrai, pourquoi l'a-t-on choisie comme bouc émissaire ? Pourquoi serait-elle seule punie ? Andrée Viollis....

À propos

Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.

En savoir plus
Données de classification
  • clemenceau
  • white
  • clemen
  • gearhart
  • harding
  • locard
  • moury
  • dovle
  • balzac
  • beyrand
  • france
  • athènes
  • londres
  • rome
  • allemagne
  • sofia
  • paris
  • angleterre
  • berlin
  • la seine
  • havas
  • conseil de guerre
  • grand hôtel
  • bourse de commerce
  • asile d'aliénés
  • lacoste