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Le Petit Parisien, 26 mars 1895

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Le Petit Parisien
26 mars 1895


Extrait du journal

Ce que constate M. Ferrero, non sans un certain étonnement, c'est que toute la psychologie des idées et des sentiments relatifs à la mort est encore Il faire. Oui, on n'a jusqu'ici que balbutié de vaines hypothèses a son sujet, et le sphinx, mal consulté, est resté impénétrable. Et, pourtant, qu'il a troublé et inquiété notre humanité 1 Les foules ont si bien la conviction de la gravité du problème qu'elles se précipitent partout où doit se révéler le coup d'aile de la mort. Hier, à Versailles, des milliers d'hommes entouraient les bois de justice pour voir tomber la tête d'un assassin. Il y a, quoiqu'on en dise, une singulière attirance dans ce spectacle de la crainte ou de la fermeté d'Un criminel devant la guillotine vengeresse. L'esprit se tend, le coeur défaille, et après le cri d'horreur que la chute du couperet arrache à la cohue, un murmure s'élève qui est comme l'écho de la conscience inquiète et irrésolue, toute prète néanmoins à s'insurger non pas contre la rigueur, mais contre la nature du châtiment. Et l'on n'est un peu satisfait de l'horrible scène que lorsque l'assassin meurt avec courage et témoigne de son mépris pour la mort, qui n'est peut-être qu'un mépris pour lavie. Mais le public des exécutions ne saisit pas la nuance. Il n'est là que parce qu'une entité humaine va, en sa présence, se résoudre en l'on ne sait quel inconnu c'est la fatalité de cette fin ennemie qui l'émeut, et il lui plait qu'un être dégradé la soufflette de son dédain, comme aux courses de taureaux sa joie éclate lorsque le toréador se joue du danger et provoque le monstre. Dans la vie ordinaire, l'homme ne s'effraie nullement de l'idée de la mort. Loin de la repousser, il la grandit souvent, il l'entoure d'une sorte do mmbe. Les arts, particulièrement, s'appliquent à la poétiser. Aux Salons annuels, le sang coule Il flots dans les œuvres des peintres, sans que le public s'en détourne avec dégoût. C'est qu'au drame fatal s'associent des idées de martyre, d'apostolat, de dévouement. L'image de la mort bravée et comme vaincue par l'énergie morale de celui qui la subit nous transporte. Et c'est encore là presque tout l'attrait du théâtre populaire. Les drames à succès sont ceux où s'aftlche le plus le mépris delà mort. Le sentiment du public est si profond, si vivace à cet égard, qu'il ne perd aucune occasion de s'affirmer. Pourquoi tant de Parisiens se pressaient-ils l'autre jour sur le passage du détachement qui se rendait au camp de Sathonay? Certes, nul de nous n'estime la patrie menacée parce que Madagascar se révolte contre notre protectorat, et la manifestation ne pouvait prendre le caractère d'une exaltation particulière du sentiment national. Pourtant, la foule était vérilablement empoignée » etde furieuses acclamations traduisaient l'hommage rendu par elle aux partants....

À propos

Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.

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