Extrait du journal

LETTREJDE PARIS Les petites baraques du jour de l’an. — i Bibelots et hochets. — Illusions et chi mères. — Les poëtes et la politique. — Un album pour le jour de l’an. Paris, 28 décembre 1894. , Voici les petites baraques du jour de Tan qui ouvrent leurs volets et les bou levards sont métamorphosés en mille expositions où cent objets divers dus à l’ingéniosité parisienne attirent l'atten tion des curieux et provoquent les con voitises des bébés; chaque année, les jouets changent d’aspect et de formes ; l’an passé, nous avions les marins russes cette année, la fantaisie est plus rail leuse et on nous vend « La toupie de la reine de Madagascar » et « La course de taureaux du petit Lebaudy »; un petit toréador tourne dans une piste et agace avec sa cape rouge un taureau qui fond les cornes en avant. C’est coquet et c’est original ; ce sont les jouets nouveaux qui sont naturellement accompagnés par les bibelots traditionnels, les poupées ordi naires, « La Catherine à deux sous » la ménagère de fer battu et le vélocipède à mécanique. Les chers petits ouvrent de grands yeux devant ces merveilles qui nous font sourire; nous aurions, du reste, tort de nous moquer, car nous restons quelque peu enfants toute la vie ; un peu plus tard, est-ce que nous ne courons pas chacun de nous vers des bibelots ou des hochets qui n’ont guère plus de valeur ? Celui-ci après une distinction, ruban violet ou rouge qui affole tant de gens, cet autre court après les honneurs qui passent comme la fumée, celui-ci après ïa fortune « glissante comme l’onde », a dit le poète anglais. Jouets d’un jour, chimères et illusions qui n’ont pas plus «le valeur, en somme, que ces jouets de carton, de bois ou de fer blanc qui laissent nos bébés haletants, anxieux et fous de joie quand nous les leur apportons. Victor Hugo achetant pendant le siège île 1870 un polichinelle pour son petit-fils Georges, disait n Auguste Vacquerie : — Quoi est celui d’entre nous qui ne désire pas son polichinelle ? Eh ! oui, le nom seul et la valeur chan gent, mais le désir est le même et il faut des jouets à l’humanité pour s’illusionner un moment. Les esprits raffinés cherchent cette illu sion dans les belles œuvres artistiques et les lettrés dans les poésies qui nous em portent aux pays des songes. Ah 1 si les poètes voulaient, quelle place ils occupe raient dans notre belle France ! Aussi, j’enrage, ma parole, quand je vois des écrivains délicats, des esprits d’élite, des poètes pour de bon, se mésallier dans la...